Et si on aimait la France

21 Oct 2015

Notes de lecture.                                             « Et si on aimait la France »

Bernard Maris

Grasset 15€

Et si on aimait la France : sans point d’interrogation.

Bernard Maris a écrit ce livre contre la meute des déclinistes qui tiennent, chacun le sait, le haut du pavé médiatique, un livre pour dire : « non, Français vous n’êtes pas coupables, vous ne devez rien ; le chômage, la catastrophe urbaine, le déclin de la langue, ce n’est pas vous ; le racisme, ce n’est pas vous, contrairement à ce qu’on veut vous faire croire ». Redevenez vous-mêmes en somme, vous qui habitez le pays dont les voyageurs étrangers, durant des siècles, ont parlé comme du « pays où Dieu est heureux ».

En 9 chapitres sans concession, mais avec humour et une perspicacité remarquable, pratiquant l’analyse actif/passif, il est économiste, Bernard Maris ausculte la France et les Français. Il dénonce la vision doloriste de la droite qui parle de la France « comme d’une douleur, comme d’un mal de dos » et applaudit à la « divine surprise » de 1940 qui jeta bas la République tant haïe : Hitler plutôt que Blum ! Il vilipende les salauds (au sens de Sartre, dit-il) « qui la conchient de bretelles, de rond-points, de promotions immobilières […] qui la bétonnent et la goudronnent ; les veules édiles qui laissent quelques rues occupées par des idiots en prière etc. … et alors, il s’exclame : « Attention poupée, regarde ceux qui sont autour de toi et ce qu’ils veulent te faire… »

Tout y passe : le massacre des campagnes comme des villes, l’horreur esthétique et l’isolement des banlieues pavillonnaires, l’abandon des services publics etc.

Florilège.

Il pense que la civilisation commence lorsque l’homme domine ses pulsions, et regrette la disparition de la galanterie, de la politesse, de la discrétion (ô les smarphones), de la retenue, du silence respectueux et du sourire sur le visage.

Sévère, il ne manque pas de rapprocher l’inanité du désormais célèbre discours du Latran où Nicolas Sarkozy dit que le curé sera toujours supérieur à l’instituteur pour enseigner le bien avec une sortie admirable dans l’abjection du bourreau de la Commune, Adolphe Thiers, le nain, le nabot (tiens déjà!) qui parlait des détestables petits instituteurs laïques, car seuls les curés peuvent « propager cette bonne philosophie qui apprend à l’homme qu’il est ici pour souffrir. ».

Dans le chapitre consacré à la démographie il parle du coitus interruptus comme de l’outil premier de la transition démographique, qui porte en elle ce qu’on peut appeler le souhait d’une vie équilibrée dans une population stable et implique les naissances voulues plutôt que subies.

Dans cet autre intitulé « Adieu, Vidal de La Blache » il montre la destruction de l’ordre agraire par le business agro-alimentaire avec ses outrances, ses pesticides, ses mensonges, ses chantages et au bout du compte son inefficacité.

Bernard Maris a lu l’ouvrage de Hervé Le Bras et Olivier Todd : « L’invention de la France. Atlas anthropologique et politique » qui se conclut, et il aime ça, par un retentissant «  du fait de sa diversité, la France est condamnée à la tolérance ». Deux arguments pour appuyer cette thèse : depuis 1789 la France rêve l’Homme universel et le prône ; second argument, le fait qu’il est impossible de définir le Français type dans un pays qui a accueilli, au fil des temps, tant et tant d’hommes et de femmes . Le Bras et Todd : « Dans l’hexagone, parce que le Français n’existe pas, le juif ne peut exister ». De quoi donner des boutons à madame Le Pen.

France urbaine et périurbaine sont l’objet d’un chapitre plutôt sombre où il démontre que les politiques de la ville se trompent et se sont toujours trompées, engendrant isolement, destruction des solidarité, ghettoïsation, gentrification et boboïsation. « Par un cynisme sans doute inconscient, les catégories supérieures , celles qui profitent de la mondialisation et de la métropolisation, ont caché la question sociale sous la question ethnique, plus vague, plus morale, plus lointaine ».

Pourtant, la République n’a jamais démissionné, quoi qu’on en dise, elle a été bien courageuse et a déployé d’énormes efforts sans jamais abandonner, mais le résultat est que, s’étant trompée, peu à peu les doctrines communautaires se sont substituées à la doctrine sociale qu’incarna le programme du Conseil National de la Résistance de 1944. « La diversité, les droits de l’homme, le communautarisme ont remplacé, pire, ont été confondus avec le social. Fatale erreur, d’où l’échec.

Pourtant Bernard Maris se montre optimiste, malgré le constat peu engageant, qui pointe tout ce que la mondialisation et l’ultra libéralisme ont détruit, il appelle au retour de l’homme universel enfin dépris de cette différence qui isole et retranche, car il est le fond de la pensée française et pourrait, rêvons un peu, remettre la France sur les rails si les Français s’en emparaient de nouveau.

On ne connaîtra pas la conclusion que pensait apporter Bernard Maris à ce petit livre si percutant, ces 141 pages ont été adressées à l’éditeur le 3 janvier et le 7 il tombait sous les balles des frères Kouachi.

Gilles Poulet

Octobre 2015

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1 Commentaire

  1. Christiane Noireau

    Merci de nous rappeler la mémoire de Bernard Maris. Je l’écoutais sur « C’est dans l’air » avec , toujours, un grand plaisir. Je vais acheter son livre inachevé. C.N.

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