Comment sortir de la religion

26 Août 2014

Note de lecture :

« Comment sortir de la religion »

Par Abdennour BIDAR

Les empêcheurs de penser en rond, aux éditions de la Découverte -2012.

Cet été, quand je me trouvais opportunément chez moi vers 13h30 le samedi ou le dimanche, j’écoutais les chroniques très mesurées, lucides et intéressantes du philosophe à la double culture occidentale et musulmane Abdennour BIDAR appelant chacun à la compréhension de l’autre et au « vivre ensemble » décrispé et fécond. Naturellement, j’ai eu envie d’en savoir plus sur lui et, après une visite sur la Toile, j’achetai le livre dont je vais rendre compte.

A. Bidar nous explique que, en six siècles de processus de sortie de la religion, l’Occident s’est fourvoyé entre athéisme desséchant, désenchantement du monde et vue étriquée de l’homme enfermé dans sa finitude. Il nous invite à aller au-delà de notre condition présente et de notre humanisation actuelle sans le secours d’aucun dieu ni prophète ni révélation ; disparenda est religio, il faut que la religion disparaisse, dit-il. L’auteur pense cependant que l’erreur de l’occident tient à ce qu’il n’a pas compris que pour sortir de la religion il fallait, comme dans un judo intellectuel, utiliser la force de l’adversaire, i.e. le battre sur son propre terrain en dévoilant au passage le fond non religieux des révélations religieuses : « rendre possible ce que le prototype occidental a échoué à produire : une fécondation de l’intelligibilité du processus de sortie par les ressources symboliques du religieux lui-même ». Programme on ne peut plus ambitieux et qui en rebutera plus d’un.

« La sortie de la religion a révélé en l’homme un niveau de puissance d’agir, jusque là ignoré de lui et qui n’appartenait qu’à Dieu », ou plutôt que l’homme imputait à sa créature divine, (c’est bien l’homme qui a créé les dieux). La vertu première de la religion était, par sa mise en incubation, de « fournir aux hommes un système symbolique, dogmatique, rituel, moral et social », c’est pourquoi la sortie du religieux correspond à l’expulsion hors de cette matrice, qui a rempli son rôle et dont on n’a plus besoin ; la toute puissance divine étant transférée à l’homme qui en devient l’héritier de plein droit. Pour A Bidar, la succession est réglée.

Pourquoi n’avons nous plus besoin des dieux ? Tout d’abord, le problème des religions est leur inaptitude à l’exercice de l’intelligence critique et créatrice ; leur sclérose et leur fermeture les condamnent et c’est ce qui justifie qu’on s’en affranchisse. Mais pour autant, rien n’est gagné ni réglé. Successeur du dieu créateur, l’homme créateur acquière ce que Bidar appelle la surpuissance créatrice, laquelle quand on en mésuse, et on en mésuse (il y consacre tout un chapitre), se retourne en surpuissance destructrice. Et de pointer le polythéisme des pouvoirs techniques, scientifiques, politiques, médiatiques, économiques et le danger, au-dessus encore, du monothéisme du pouvoir suprême de l’argent. C’est en cela que la voie occidentale de sortie de la religion aura échoué, parce qu’elle a produit et produit encore sans relâche de nouveaux avatars divins.

A Bidar écrit : « L’humanité est en train de devenir cette causa sui dont Dieu est le concept. Sa capacité à pourvoir à ses besoins ne la rend dépendante que d’elle même. Plus rien ne peut s’opposer à elle. Ni transcendance ni fatalité. » Il développe le concept de l’homme augmenté (par la science, le numérique, la médecine, les exosquelettes etc.) qui le pousse vers son infinitisation, autrement dit vers la fin de sa finitude. Mais il voit bien quelles terribles inégalités gisent potentiellement dans ce concept qui ne serait pas accessible à tous tout de suite ! Alors pour lui, « la surpuissance devrait donner lieu à un projet existentiel, à une sagesse nouvelle ». Ce serait « le nouveau combat des hommes conscients que l’humanité est engagée dans un véritable saut évolutif vers la toute puissance, mais aussi que celui-ci doit être dirigé vers le souverain bien de l’accomplissement créateur de chaque être ». « Ce qui est en jeu c’est une mutation ontologique par l’actualisation de notre illimitation de puissance autrefois prêtée symboliquement aux dieux ». Séduisante utopie qu’on voudrait voir s’accomplir…

Chacun se forgera une opinion quant l’optimisme de l’auteur, prophète moderne de lendemains qui chanteront, quant à moi j’ai pris plaisir à la lecture de cet ouvrage plein de fines réflexions sur notre monde mal traité tant par le capitalisme prédateur que par les religions décidément obsolètes. Tentez l’expérience, c’est une lecture agréable.

Gilles Poulet

Août 2014

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1 Commentaire

  1. SIMONNE

    Il n’y a pas que l’ISLAM comme religion du "Livre"…. cet écrivain coupe les cheveux en 4.

    Les Aztèques,les Incas,les Hindous,les Japonais,les Chinois,et tous les Animistes ont aussi des modes de pensée,leurs modes de vie ……

    Cet islamiste ignore l’existence de l’ athéïsme.

    Est-ce que pour BIDAR , la femme compte pour la moitié d’un homme ?

    Quand il aura répondu clairement , on pourra discuter

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