Grèce: l’hiver de feu

15 Déc 2008

Avec l’ONNED (l’UMP grec) au pouvoir depuis quatre ans, la Grèce a vu ses services publics se réduire bien plus vite et plus brutalement qu’en France. Tandis qu’armateurs, margoulins et patrons se félicitaient, les inégalités se sont accrues, la classe moyenne s’est étiolée, le niveau de vie moyen a baissé alors que le PNB augmentait, la télé déjà minettisée  (Nikos Aliagas, produit grec d’exportation) est devenue un show permanent, le complexe militaro-industriel (représenté il y a quarante ans par le sinistre colonel Papadopoulos) a repris du poil de la bête, et la corruption ne se cache même plus.

En face, la gauche révolutionnaire, nombreuse et très radicale en Grèce (le souvenir de la guerre civile de 1945-1949 est toujours vivace), a tapé sur le PASOK et sur Papandréou (le Mitterrand grec) avec rage, parce qu’à ses yeux les socialistes “rendent le capitalisme supportable” : le PASOK a perdu les élections de 2004. De nombreux enseignants de collège, de lycée et universitaires sont, en Grèce, marxistes-léninistes, maoïstes, et dans une moindre mesure anarchistes, mais tous sont libres-penseurs et dignes héritiers de la révolution grecque (1820-1839) , de l’E.L.A.S. (résistance anti-nazie à majorité communiste) et des combattants contre la dictature Papadopoulos (financée par l’OTAN). La violence, pour eux, est synonyme d’héroïsme. Leurs élèves et étudiants les admirent et beaucoup rêvent d’être de nouveaux Kolokotronès ou Vélouhiotès (héros de la révolution et de la résistance). Et si certains sont devenus casseurs, c’est parce qu’à leurs yeux “quiconque n’est pas avec le peuple, est contre le peuple”.

Même si leurs causes économiques et politiques sont les mêmes, les évènements de Grèce sont sociologiquement différents de la révolte des banlieues en France, car ce sont des “grecs de souche” plutôt cultivés et issus des classes moyennes qui en sont les fers de lance : ils ne se sentent pas exclus de la société, mais engagés dans la lutte des classes. Ce n’est pas “la banlieue à majorité immigrée” contre les “centre-villes à majorité bourgeoise” comme en France, mais “la Grèce des citadins progressistes et éduqués” chantée par Théodorakis, contre “la Grèce conservatrice des patrons, des flics, de l’église et des campagnes”. En cela, la Grèce de 2008 ressemble plutôt à la France d’avant 1970.

Mais la France des décennies à venir pourrait bien ressembler à la Grèce de 2008 si les politiques économiques et sociales actuelles confluent avec une aggravation de la crise financière et environnementale. Certains s’en frottent déjà les mains, d’autres sont trop occupés par leurs querelles pour s’en alarmer… Mais attention: qui sème la misère, récolte la colère…

Ion CEPLEANU

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