Edito : « La Raison Militante n°64 »

2 Nov 2011

ADLPF A propos de l'ADLPF Edito : « La Raison Militante n°64 »

Défendre l’école laïque

La laïcité, c’est celle de l’État et c’est aussi celle de l’École. Or, quand nous, Libres Penseurs, nous évoquons la laïcité, c’est, quasiment toujours, de celle de l’État dont il s’agit. Ainsi, nous protestons contre le non-respect de la Séparation des Églises et de l’État lorsque, par exemple, des subventions publiques ou des avantages particuliers sont accordés à telle ou telle confession. Ainsi encore, nous nous élevons contre la présence des élus de la Nation, en tant que tels, à des cérémonies ou manifestations religieuses, comme, par exemple, la pitrerie qu’a constitué la béatification de Jean-Paul II où le premier ministre s’est cru autorisé à représenter l’ensemble de la population, y compris celle qui rejette les couillonnades religieuses. Plus récemment, en juillet dernier, c’est le ministre de la justice qui représentait le gouvernement à la béatification d’une religieuse dacquoise. Et, tout récemment, le ministre de l’intérieur a envoyé son secrétaire d’Etat à la synagogue pour participer aux réjouissances du Nouvel An juif et pour promettre de subventionner un centre culturel israélite.

Plus ou moins consciemment, nous considérons que la défense de la laïcité de l’École ce serait l’affaire des enseignants, de leurs syndicats et d’associations comme la Ligue de l’Enseignement. Pourtant, de l’enfant ou de l’adulte, lequel est le plus vulnérable face à la mise sous influence, au conditionnement et au bourrage de crâne ? L’enfant, bien entendu. Dans l’affaire de la crèche Baby-Loup de Chanteloup-les-Vignes, c’est bien ce qui a motivé les laïques à se mobiliser pour soutenir la direction de cet établissement contre les menées de l’intégrisme, islamiste en l’espèce, mais, pour enrégimenter les mômes, toutes les religions se valent bien ! Rappelons-nous ce que disait Jules Ferry  aux enseignants des écoles publiques : « Vous ne toucherez jamais avec assez de précaution à cette chose délicate et sacrée qu’est la conscience d’un enfant ». En revanche, un prélat, au début du XXème siècle, comparait, lui, avec cynisme – ou peut-être par inconscience – l’intelligence enfantine à une « cire molle », c’est-à-dire facile à modeler.

Trois semaines après la rentrée, les enseignants étaient en grève. Le mouvement a été bien suivi. Il est vrai que jamais l’enseignement n’a été aussi mal traité par le pouvoir : suppression massive de postes, suppression de la formation pédagogique des enseignants, liquidation de l’aide spécialisée aux élèves en difficulté… Et pour justifier cela, on nous dit que la solution aux difficultés de l’École n’est pas une question de moyens. C’est du pur sophisme ! Certes, le nombre de professeurs ne règle pas tout. Ce n’est pas seulement une question de moyens, mais c’est, bien entendu, d’abord une question de moyens. Lors d’un match, la sanction la plus redoutée par les handballeurs, les footballeurs ou les rugbymen est le carton rouge qui exclut un joueur, qui met donc l’équipe en infériorité numérique, ce qui renforce ses difficultés et nuit à sa performance. Pourquoi l’enseignement serait-il le seul sport où la diminution du nombre d’équipiers n’aurait pas d’effet négatif ?

On comprend donc la mobilisation des enseignants pour défendre la qualité du service et leurs conditions de travail. Ceux de l’enseignement public et laïque et aussi ceux de l’enseignement privé, essentiellement catholique, même si les suppressions de postes y sont proportionnellement deux fois moins nombreuses que dans l’enseignement public. Que les personnels du privé défendent leur bout de gras, ça les regarde. On peut même les comprendre. Pour autant, était-il bien légitime d’organiser conjointement des manifestations communes ? N’y a-t-il pas incohérence, et même indécence, d’une part à défendre l’école publique et laïque et, en même temps, sa concurrente, l’école qui n’est pas laïque, celle où l’intelligence de l’enfant est une cire molle, une pâte à modeler ?

On voudrait contribuer au démantèlement organisé du service public d’enseignement qu’on ne s’y prendrait pas autrement. Il est vrai que les directions des principales centrales syndicales ont, depuis belle lurette, jeté aux oubliettes le mot d’ordre d’abrogation de la loi Debré de 1959 qui a mis en place le subventionnement public des écoles privées. En revanche, saluons la F.C.P.E. qui, lors de son dernier congrès, a réaffirmé la nécessité de l’abrogation des lois antilaïques afin de faire respecter le principe laïque selon lequel seul le système public d’éducation doit recevoir des fonds publics.

Dans cette ambiance générale particulièrement délétère pour l’école laïque, on parvient tout de même à trouver des motifs de satisfaction. Voici une information qui apparaît comme une « sacrée » bonne nouvelle, une réelle bouffée d’oxygène. Cela se passe à St-Georges-en-Couzan, une petite commune de 600 habitants du département de la Loire. L’école publique y a été fermée il y a 20 ans, en 1991, mais pas l’école privée confessionnelle « La Clé de Saint Georges » qui est ainsi devenue la seule école de la commune. La mairie a vendu le bâtiment de l’école publique à un particulier. Or, à cette rentrée, l’école privée a fermé. La municipalité a alors racheté les locaux de l’école privée et y a installé l’école publique qui a ainsi pu rouvrir dans le cadre d’un Regroupement Pédagogique Intercommunal de 3 classes : 2 classes dans la commune voisine de Chalmazel et la 3èmeà St-Georges-en-Couzan. C’est le résultat de la mobilisation des laïques : les parents d’élèves, les DDEN, les libres penseurs… et aussi l’Inspectrice de la circonscription qui était présente le jour de la rentrée pour veiller à ce que les crucifix soient bien décrochés, que le nom « La Clé de Saint Georges » soit effacée du fronton et que la statue de la vierge ne trône plus au milieu de la cour. Heureusement qu’il reste des fonctionnaires d’autorité pour qui la laïcité n’est pas un vain mot !

Denis PELLETIER

Président de l’ADLPF

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