La semaine sanglante

22 Mai 2012

En ce lundi 22 mai 1871 a débuté cette tragique Semaine sanglante. Ce fut une bien triste journée qui marqua le commencement de l’effroyable répression de la Commune de Paris. Dès les premières lueurs, le jour s’annonçait chaud et sans nuages.

Après plusieurs infiltrations réussies la veille, l’armée versaillaise entre dans Paris par la Porte de Saint-Cloud. Le matin, Elie Reclus, directeur de la Bibliothèque nationale et frère du non moins célèbre Elisée, note dans son journal : « Les gardes nationaux, exécutant un mouvement tournant, auraient repris les portes d’entrée et les Versaillais, ayant leur retraite coupée, seraient maintenant pris entre deux feux ». Sans le savoir et en toute bonne foi, il donne libre cours à cette rumeur de la rue qui, rapidement, s’avèrera fausse.

Malgré les injonctions répétées de quelques officiers, les Fédérés protégeant les secteurs du Petit-Vanves et de Passy reculent en catastrophe. Lissagaray rapporte la situation : « On s’étonne de cette invasion si rapide tant le Comité connaît peu la situation militaire ». Les renforts demandés pour défendre le quartier de la Muette n’arrivent pas et, avant leur encerclement, on assiste aux premiers replis des Communards. Tant bien que mal, les premières barricades s’érigent dans la capitale. Les troupes versaillaises s’avancent lentement vers le Trocadéro. Les batteries de Montmartre, pour la plupart hors service, ne commenceront à tirer que dans l’après-midi… La résistance tente de s’organiser. Les Fédérés tiennent la Concorde, la Rue Royale et les bords de Seine, cela pendant près de quarante heures. En ce lundi après-midi, les Versaillais parviennent jusqu’à la gare Saint-Lazare. L’avance semble irrésistible dans la mesure où elle se conjugue avec la forte désorganisation des Fédérés ce qui, en quelques jours, provoquera leur défaite.

Le lyrisme de la dernière proclamation du Comité de Salut public ne change rien à l’affaire. Que pèse les quelques vingt-mille hommes de la Commune contre les cent-trente mille soldats de Mac-Mahon, super équipés et entraînés comme il se doit ? Le plan d’attaque de Versailles a été bien étudié : prendre Paris par l’ouest (XVIe et XVIIe arrondissements) et par le sud (XVe et XIVe), avancer de chaque côté de la Seine afin de repousser les factieux sur les côteaux de Belleville et de Ménilmontant. Quelques 40.000 soldats versaillais restent en réserve. En vérité, ces liquidateurs seront chargés du « ratissage », ce nettoyage par la terreur, quartier par quartier et maison par maison.

Après ces premiers combats du lundi, tout laisse penser que Thiers donnera l’ordre à Mac-Mahon de ne pas se presser pour envahir Paris. Le blanquiste Gaston Da Costa, dans son livre La Communellès vécue, semble accréditer cette thèse : « Si, le 21 mai, les Versaillais, entrés dans Paris par surprise, avaient continué leur marche en avant, ils eussent certainement occupé dans la nuit même les deux tiers de la capitale et pris l’Hôtel de Ville, sans laisser à Pindy le temps de l’incendier. La lutte prenait fin en quarante-huit heures ; les otages étaient sauvés, mais aussi le massacre prémédité de quarante mille Parisiens devenaient impossibles ».

Une semaine sanglante c’est long, très long et, ce lundi 22 mai n’est jamais que son premier jour… Par Auteuil et par Passy, là où les loups sont entrés, les cadavres jonchent les rues. Hors des zones de combat, des charniers sont établis, démontrant, si l’en est besoin, que des massacres sur la population ont été commandités par le gouvernement : « L’important pour Thiers était de bien montrer à l’Assemblée de Versailles de quel danger de mort il allait tirer la société bourgeoise »,(dixit G. Da Costa).1004919-Execution_des_derniers_communards_contre_le_mur_de.jpg

En définitive, ce triste jour préfigue bien les six jours qui vont suivre. Un bilan de 20.000 morts, 38.000 arrestations et, jusqu’en 1877, quelques 50.000 jugements dont 10.000 déportations. Tel aura été, pour les Parisiens, le prix à payer pour que l’ordre bourgeois règne à nouveau !

Roland BOSDEVEIX

http://rebrousse-poil.over-blog.com/

Gravures:

Louise Michel parlant aux communards. Camaïeu sur bois de Jules Girardet. (Musée d’Art et d’Histoire, Saint-Denis.)

Exécution par les versaillais, en 1871, des derniers combattants de la Commune contre ce qui deviendra le mur des Fédérés, au cimetière du Père-Lachaise, à Paris. Dessin au crayon rehaussé de gouache, par Alfred Henri Darjou. (Musée Carnavalet, Paris.)

 

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1 Commentaire

  1. François LEDRU

    Outre que je serais d’accord avec G Da Costa que le bilan est plutôt de 40 000 fusillés (on parle de plus), pour la question de la désorganisation, cela se discute. La rumeur rassurant à
    tort les Communards, d’accord, mais pour les barricades, elle n’ont pas été construites n’importe comment au dernier moment : le colonel polonais Jaroslaw Dombrowski, remplaçant le capitaine de
    gardes Bergeret incapable comme commandant de la place, a fait faire ça correctement dans un maximum d’endroits, je crois. J’ai une photo de la barricade rue Royale qui est fabuleuse ! Dans le
    Larousse 1930, très précis, il est dit « toutes les barricades purent être prises à revers » c’est-à-dire qu’on entre dans une maison, on casse des murs et on ressort derrière (ou la cour le
    permet). Ledru 

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