Penser la Laïcité

27 Fév 2014

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Notes de lecture :

Penser la Laïcité

par Catherine KINTZLER

Éditions MINERVE. 22€

C’est d’une plume élégante, alerte, claire et concise que Catherine Kintzler nous invite à « Penser la Laïcité ». Partant du concept de « toleration » de Locke elle nous montre en quoi la laïcité en diffère par sa nature philosophique minimaliste en ce sens, qu’à la différence de la toleration, elle ne s’appuie aucunement sur une moralité pré-établie. « La loi, pour être construite et pensée, n’a pas besoin de la forme de la foi… (corollaire) : la foi n’a pas à fonder ni à faire la loi ».

Ces considérations installent le principe de laïcité comme un espace a priori, fondé sur un adogmatisme radical permettant, et c’est cela sa force et sa fragilité, d’accueillir toutes les opinions, lesquelles relèvent de la liberté de conscience et de la liberté fondamentale du citoyen de croire ou de ne pas croire en toute égalité de statut, aussi longtemps que les communautés d’opinion ne tentent pas de légiférer à leur profit. Autrement dit, la République laïque connaît les communautés qui vivent et prospèrent en son sein, mais refuse les menées des communautaristes qui recherchent des avantages particuliers pour eux-même. La puissance publique ne saurait en aucune façon être liée à une option religieuse, pas même à une religion civile : Ferdinand Buisson, cité par l’auteure :  « Nous avons empêché l’Église de jouer le rôle de l’État et nous avons eu raison. Nous serions inexcusables d’encourager l’État à jouer le rôle de l’Église ». En fait, l’association politique laïque est le lieu du consentement raisonné et critique, en perpétuel ébullition de citoyens singuliers, car « dans un état laïque on assure la liberté de chacun, y compris de celui qui n’existe pas ». Ce qui n’est pas aussi étrange qu’il y paraît si l’on examine le concept de classe paradoxale ainsi définie : « ensemble d’éléments qui n’ont d’autre propriété commune que de préserver leur singularité et la liberté de n’être pas comme les autres ». D’où il ressort que le fameux « vivre ensemble » dont on nous rebat les oreilles n’est possible qu’au sein de la Laïcité qui pose la singularité de chacun comme un prérequis. C’est en effet l’apanage de l’être singulier qui a fait abstraction de ses convictions de croyant comme de non croyant que pouvoir consentir avec le même, i.e. Autrui, à une organisation de la société viable pour tous, débarrassée de la violence sous-jacente aux religions ou à l’athéisme agressif.

Au fil des pages, l’auteure développe magistralement les thèmes : laïcité et enseignement public ; les fausses questions laïques et leurs enjeux de pensée ; les dérives de la laïcité adjectivée et ses accommodements. Une analyse de l’affaire Baby Loup et de celle du gîte des Vosges apporte un éclairage balancé et fort pertinent. Catherine Kintzler conclue son livre par un développement sur la spiritualité laïque, la morale et la pensée critique qui «  forme l’esprit qui ne s’en remet pas à une autorité extérieure [car] elle ne suppose aucun « mot sacré », aucune transcendance, aucun état de perfection, aucune parole définitive, va de l’avant en se trompant et en rectifiant, de mieux en mieux ».

Il faut lire ce nouvel opus de Catherine Kintzler, absolument .

Gilles Poulet

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