Quinze siècles de combats pour un idéal

22 Mai 2011

ADLPF La Libre Pensée Laïcité Quinze siècles de combats pour un idéal

Constantin et Théodose

L’épée spirituelle et l’épée temporelle

L’idée de laïcité s’est forgée à partir d’une réalité marquante dans tout l’Occident : la collusion du politique et du religieux. Collusion qui se manifeste dès Constantin et Théodose à Rome, lorsqu’on décide que le christianisme sera l’unique religion d’empire et que, notamment après Théodose, au IVe siècle après J.C., on détruit toutes les bibliothèques de l’Antiquité. Une époque terrible où va se forger le thème des deux glaives. L’épée spirituelle et l’épée temporelle. Celle de l’excommunication, on exclut quelqu’un parce qu’il n’est pas dans la ligne. Celle de la sanction physique qui tue. L’Église va se doter d’une orthodoxie en dehors de laquelle il n’y a qu’hérésie, c’est-à-dire dissidence. L’hérésie arienne est la première réprimée, dès le IVe siècle : elle niait la divinité du Christ, considérant qu’il était un prophète, un homme inspiré par Dieu, et non pas Dieu lui-même incarné. Or l’Église interdit qu’on nie l’incarnation, qui distingue notamment le christianisme du judaïsme (Moïse n’est que prophète, il n’est pas Dieu incarné). L’autre grande hérésie est celle des Cathares, au XIIesiècle, également violemment réprimée : ils étaient accusés d’être des adorateurs du diable. Rappelez-vous l’ordre du légat du pape : « Tuez-les tous, Dieu reconnaîtra les siens. »

Cette collusion va durer en gros quinze siècles, de la fin du IIIesiècle à la Révolution française. Quinze siècles d’extrême violence, liée au fait que la foi dicte la loi. Cela se traduit par la production d’une normativité religieuse dans les relations personnelles, la sexualité, la conception de la famille, les rapports entre l’homme et la femme. Les trois monothéismes ont toujours consacré la domination de l’homme sur la femme, sans doute parce qu’on vivait dans des sociétés patriarcales, et tout religieux qu’ils étaient, ils avaient tendance à sacraliser les préjugés d’une époque. Quand Dieu de la Bible dit à Ève : »Tes désirs te porteront vers ton mari et lui dominera sur toi », évidemment un croyant d’aujourd’hui peut se demander si c’est Dieu qui dit ça ou si ce sont les hommes qui attribuent leurs préjugés à Dieu.

Luther et Henri IV

« Paris vaut bien une messe  »

Huit guerres de religion en France après l’émergence du protestantisme et la critique des indulgences par Luther en 1517 vont conduire un roi, Henri IV, ancien protestant, à se convertir en 1593 au catholicisme par raison d’État et non par conviction. « Paris vaut bien une messe », aurait-il dit. Le summum de l’horreur est antérieur : le massacre de la Saint-Barthélemy, le 24 août 1572, ordonné par Charles IX et les Guise fanatiques, fait 3 500 morts à Paris (autant que les victimes des Twin Towers à New York).

L’acte d’Henri IV est une ouverture fondamentale : le roi se demande si une religion est indispensable pour qu’il y ait unité du royaume. Henri IV veut mettre un terme aux guerres de religion, et dans le sillage de Michel de L’Hospital, grand humaniste de l’époque, il rédige l’édit de Nantes. Un édit de tolérance, au sens où le roi, catholique, tolère, c’est-à-dire supporte – tolerareen latin signifie « supporter »- que certains de ses sujets soient protestants, qu’ils appartiennent à la religion qu’on appelait alors RPR (religion prétendue réformée). Cette tolérance institutionnelle implique cependant une inégalité. Les protestants ne tiennent pas leur liberté de culte de leur dignité d’homme qui doit être libre, ce que dira plus tard la Révolution française, ils la tiennent d’une autorisation donnée par le prince.

Louis XIV

«Un roi, une loi, une foi»

La preuve qu’il s’agit bien d’une tolérance arrive un siècle plus tard quand Louis XIV révoque l’édit de Nantes. Dans l’édit de Fontainebleau en 1685, il réinstaure une domination totalitaire du catholicisme, adoptant d’ailleurs une maxime éloquente : »Un roi, une loi, une foi. »Les persécutions contre les protestants reprennent. Dans son livre d’histoire, le Siècle de Louis XIV, Voltaire y voit la plus grande faute du règne du roi Soleil. Faute économique, car les protestants, pour des raisons théologiques, jouent un rôle déterminant dans l’économie ; faute humaine ; faute sociale (on assiste à un énorme exode des protestants vers le nord-est de l’Europe) qui implique un bouleversement de l’économie française.

Les libres penseurs et les Lumières

S’agissant des Lumières, on quitte le champ institutionnel pour la philosophie. Or, la philosophie en matière de laïcité remonte loin, puisque l’existence de Dieu est discutée depuis l’Antiquité.

Socrate, Marc Aurèle et Cicéron

La liberté de conscience et la loi naturelle

« Tout ce que je sais, c’est que je ne sais rien », pensait Socrate. Cette réflexion fonde ce que j’appellerai le principe de la liberté de conscience. L’héritage stoïcien est très important. Il pose la liberté de la conscience, que Marc Aurèle, dernier empereur stoïcien, évoquait avec cette très belle image : celle d’une citadelle imprenable, intérieure. Cicéron propose une autre idée, très forte, dans son De Re Publica : il existe une sorte de loi naturelle en amont de la loi écrite. Cicéron s’inspire là d’Antigone, quand elle s’oppose à Créon qui veut la condamner car elle a jeté à la dérobade une poignée de terre sur le cadavre de son frère, Polynice, pour qu’il soit inhumé. Elle va être emmurée vivante, et dans un dialogue très violent, Sophocle lui fait dire : « Tu prétends m’interdire ceci au nom de la loi de la cité, mais il y a une loi plus profonde qui est la loi naturelle qui veut qu’on enterre son frère. »C’est l’origine de ce qu’on appelle le jus naturalis, la théorie du droit naturel. Ce droit va se développer au fil des siècles, malgré les légistes du roi partisans du droit canon qui ne l’adoptent pas. Quand le droit canon dit que l’homme est pécheur, et à ce titre n’a pas de droits, et que les seuls droits sont ceux de Dieu, le droit naturel dit que l’homme, étant homme, a par nature des droits. Les philosophes se feront les héritiers d’un long cheminement, notamment à la Renaissance, où l’on revient à l’Antiquité.

Copernic, Galilée et Descartes

« Et pourtant, [la Terre] tourne »

Je ne dirai pas que Descartes est un penseur du droit naturel, parce qu’il ne s’est pas penché sur la question juridique. Mais lorsqu’il dit dans ses « règles de la méthode », « ne rien admettre pour vrai que je ne le connusse être évidemment tel « ,il oppose ce que j’appellerai le principe de raison au principe d’autorité. Des savants l’ont dit avant lui. En 1543, Copernic a acquis la conviction que le centrisme est une illusion de perspective, et qu’en vérité, c’est la Terre qui tourne autour du soleil d’un double mouvement. Il ajoute en substance : « Peut-être abusera-t-on contre moi des passages de l’Ecriture, à quoi je réponds que ce qui est affaire de mathématiciens doit être tranché par les mathématiciens et ce qui est affaire de théologie par les théologiens. »Donc il revendique le droit de libre examen. A quoi fait-il référence quand il parle des passages de l’Ecriture ? Au chapitre 13 du Livre de Josué, qui est en train de se battre sur les remparts de Gabaon. Pour parachever sa victoire, Josué a besoin que la nuit ne tombe pas et dit : « Soleil, arrête-toi au-dessus de Gabaon. » Et le soleil se serait arrêté dans le ciel. Moyennant quoi, Copernic, qui conteste les mouvements du soleil et de la Terre, sera condamné par l’autorité catholique mais aussi par Luther au nom d’une lecture littérale de la Bible. Descartes se rallie secrètement à l’hypothèse copernicienne et galiléenne. En 1632, Galilée l’a en effet reprise, cela lui vaudra une condamnation de l’Eglise qui l’oblige à se rétracter (c’est le fameux « Et pourtant elle tourne » qu’il aurait dit en aparté).

Montaigne et John Locke

L’abstention

Les philosophes préparent les outils intellectuels de l’émancipation en distinguant le principe de raison et le principe d’autorité. Les Essais de Montaigne montrent son scepticisme, mais c’est du côté des Anglais que le rôle décisif est joué. John Locke, dans son Traité du gouvernement civil, explique que la puissance politique doit s’abstenir d’énoncer des normes en matière religieuse, car elle ne gouverne pas les âmes mais les corps. Locke prône donc une abstention. Quand Nicolas Sarkozy dit « la République a besoin de croyants », il bafoue tout simplement ce que disait déjà Locke au XVIIe siècle.

Montesquieu, Voltaire et Rousseau

Le chevalier de la Barre et l’affaire Calas

Au début du XVIIIe siècle, la question posée est le transfert de cette matrice intellectuelle de la liberté au politico-social. Les réponses viendront des grands philosophes des Lumières. D’abord chez Montesquieu, dans De l’esprit des lois et même déjà dans les Lettres persanes, où il défend le principe de la séparation des pouvoirs, car il est contre l’absolutisme. Il n’admet de monarchie que parlementaire et tempérée, sur le modèle anglais et contre la monarchie de droit absolu, divin, de la France. Comme Montaigne avant lui, il dénonce les persécutions religieuses. Notamment celle que subit le chevalier de La Barre : en 1762, pour n’avoir pas salué au passage d’une procession, le jeune homme est torturé et exécuté. Voltaire va, lui, défendre Jean Calas, exécuté également en 1762 sur ordre du parlement de Toulouse, sur la base d’une calomnie : Jean Calas aurait maquillé en suicide le meurtre de son fils, alors que celui-ci s’est réellement suicidé. Le père aurait tué le fils parce que celui-ci voulait abandonner la religion protestante pour se convertir au catholicisme. La famille de Calas convainc Voltaire de son innocence. Pour moi, c’est là l’œuvre majeure de Voltaire : il obtient la réhabilitation post mortem de Calas et écrit l’un de ses plus beaux textes, le Traité sur la tolérance.

Mais on est encore dans le principe de la tolérance où l’autorité en vigueur dispose de la liberté des êtres humains. Là intervient Rousseau, qui pose une distinction entre privé et public. Dans le Contrat social, il écrit qu’il y a deux personnes en chaque personne, la publique et la privée. La personne publique est celle dont la sphère d’action a des conséquences pour autrui. La personne privée, dont Rousseau crée l’existence, est la sphère d’action sans incidence sur autrui. Il précise que l’autorité politique n’a pas à normer la conscience humaine. Surtout, Rousseau érige que les hommes sont naturellement libres et naturellement égaux, s’inscrivant dans le sillage du droit naturel. Pourquoi est-ce si important de dire que les hommes sont par nature libres et égaux ? Parce que la liberté et l’égalité ne découlent plus du bon vouloir du prince.

Mirabeau

La liberté de conscience et l’égalité de droit

La destruction de la Bastille, le 14 juillet 1789, est une façon de dire « vive la liberté ». L’abolition des privilèges, le 5 août, une façon de dire « vive l’égalité ». Et la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen, le 26 août, une façon de jeter les fondements constitutionnels de la charte de droits sur laquelle doit se régler désormais le politique. Tous les éléments de la laïcité sont prêts. Comme le dit Mirabeau dans un très beau discours : « Je ne demande pas la tolérance, car dire tolérance suppose une autorité qui tolère, et une autorité qui tolère aujourd’hui peut très bien demain ne plus tolérer. »La philosophie sur laquelle va se poser la refondation laïque de l’Etat se retrouvera d’ailleurs dans la loi de 1905 : la liberté de conscience totale. Pas seulement la liberté religieuse que les partisans de la prétendue laïcité «ouverte» ne cessent de mettre en avant. Ce n’est pas par liberté religieuse que Sartre ou Camus seront athées, mais par liberté de conscience. Le deuxième principe fondamental est l’égalité de droit. Croire en Dieu ne donne pas plus de droits que lorsqu’on est athée. L’inverse est aussi vrai. L’Union soviétique stalinienne qui ferme les églises et persécute les orthodoxes est aussi antilaïque que la Pologne catholique qui impose la prière publique dans les écoles. Si on utilise de l’argent public pour financer des écoles privées religieuses, cela signifie qu’on fait financer par des athées la diffusion du privé, ce qui est tout à fait illégitime. Là encore, on peut s’indigner de l’inverse : imaginez des écoles privées qui feraient une catéchèse de l’humanisme athée, et qu’on exige des contribuables croyants de les financer.

Condorcet

L’éducation, nerf de la guerre

C’est Condorcet l’inventeur génial de l’école laïque et de l’instruction publique. Il est de ces hommes des Lumières qui considèrent qu’il ne suffit pas que le peuple ait conquis la souveraineté. Il faut aussi qu’il soit instruit pour exercer lucidement son suffrage. Condorcet considère que l’instruction ne peut être que laïque : indépendante du dogme religieux. Si on enseigne la science, on n’a pas à la soumettre à la censure religieuse. Le personnel enseignant doit dépendre de l’Etat, donc de la puissance publique, et en aucun cas d’une puissance privée. Ce qui ne veut pas dire que Condorcet est favorable au monopole de l’enseignement par l’Etat. Les citoyens qui voudront s’associer pour faire des écoles privées, même religieuses, pourront le faire librement. Mais l’Etat n’aura plus à financer ces écoles. Pour les Eglises, détenir les écoles est le nerf de la guerre. Ce qu’Althusser appelait un appareil idéologique. L’Eglise ne peut accepter sans combattre cette dépossession d’un privilège inouï dont elle jouissait dans l’Ancien Régime. C’est pourquoi, autour de l’école publique, il va y avoir un combat terrible. Mais c’est surtout Jules Ferry, quatre-vingt-dix ans plus tard, qui rendra l’instruction publique, laïque, gratuite et obligatoire.

Boissy d’Anglas

Le décret du 3 ventôse de l’an III

La Révolution jette donc les bases de la laïcité. C’est le moment où l’histoire rejoint la philosophie. Gardons la date importante pour ce qui nous concerne : le décret rédigé par Boissy d’Anglas du 3 ventôse de l’an III (21 février 1795), qui sépare l’Etat et l’Eglise. C’est la première avancée législative et les termes sont très clairs : nul ne peut être forcé de contribuer aux dépenses d’un culte. La République n’en salarie aucun. Cette formule, avec celle de la Commune de Paris moins d’un siècle plus tard (1871), est la plus nette pour définir la laïcité. On la retrouvera dans la loi de 1905 : la République ne reconnaît, ne salarie, ni ne subventionne aucun culte.

Napoléon Ier

Le retour au sacre de la puissance publique

Il est le premier à être revenu en arrière, avec le concordat de 1801 qui rétablit un statut public des cultes. Il le fait comme Sarkozy aujourd’hui : dans une perspective d’instrumentalisation politique du religieux. Napoléon n’était pas un fervent croyant. En 1801, il a déjà un projet qui n’est plus de n’être seulement le soldat de la révolution, mais à terme de reconstituer un empire et une dynastie d’Ancien Régime. Il va restaurer l’un de ses symboles majeurs, le sacre, même s’il se sacre lui-même. Sacraliser à nouveau la puissance publique, c’est remettre en question la laïcité. Car la puissance publique n’a pas à être sacralisée ; respectée, oui, mais l’opérateur symbolique du respect est le serment sur la Constitution, pas un sacre devant Dieu. Le catéchisme impérial va restaurer le financement public des religions, catholique, protestante et israélite ensuite. Les ministres des cultes redeviennent salariés. Quant à la reconnaissance du culte israélite, Napoléon semble poursuivre là l’œuvre de l’abbé Grégoire qui, avec Condorcet, dénonçait la persécution des juifs. Il faut lire le très beau livre des Badinter sur le sujet. Cesser la persécution était évidemment nécessaire, mais cela ne devait pas impliquer de financer le culte israélite.

Alfred de Falloux contre Victor Hugo

«Je veux l’Eglise chez elle et l’Etat chez lui»

Le 15 mars 1850, Alfred de Falloux, ministre de l’Instruction publique et des Cultes du prince – le président Louis-Napoléon Bonaparte – fait voter une loi qui crée deux types d’écoles, publiques et privées. Ces dernières dispensent des enseignements religieux, et elles vont être subventionnées en partie par des fonds publics. L’ensemble public-privé est contrôlé par des inspecteurs d’académie, les autorités locales et les ministres du culte. En janvier 1850, Victor Hugo avait tenu un discours tonitruant contre ce projet, qu’il accusait d’organiser le contrôle du clergé sur les écoles. Hugo est pourtant chrétien, mais il distingue le parti clérical comme il l’appelle et la religion. «Vous osez vouloir contrôler l’enseignement de la jeunesse alors que vous n’avez cessé de censurer l’humanité dans toutes ses œuvres …]. En un mot, je veux l’Eglise chez elle, et l’Etat chez lui.»Cinquante ans avant la loi de 1905, Victor Hugo prononce la formule qu’il fallait dire.

Edouard Vaillant et Louise Michel

La Commune de Paris

Il faut attendre les débuts de la IIIe République, c’est-à-dire les événements tragiques de la Commune de Paris, pour que la laïcité soit réaffirmée. C’est l’une des grandes œuvres de la Commune. Le socialiste Edouard Vaillant et Louise Michel, « la vierge rouge » comme on l’appelait (d’ailleurs une très grande amie de Hugo) en sont les principaux acteurs.

Le 17 mai 1871, Edouard Vaillant dit par exemple : il faut assurer à chacun la véritable base de l’égalité sociale, l’instruction intégrale à laquelle chacun a droit. Le 2 avril 1871, la Commune de Paris proclame la séparation de l’Eglise et de l’Etat, le budget des cultes est supprimé, et les biens appartenant aux congrégations religieuses sont déclarés propriétés nationales. Pendant ces quelques mois héroïques, la Commune de Paris a fait un travail admirable. Elle crée aussi l’idée d’écoles pour les filles, pour laquelle milite Louise Michel. L’égalité des sexes est une des valeurs majeures de la Commune de Paris, d’autant plus affirmée qu’elle va de pair avec l’affirmation de la laïcité. Pourquoi ? Parce que l’Eglise n’a jamais admis, sauf contrainte et forcée, l’égalité des sexes. Le dispositif législatif de la Commune ne survivra pas à l’assassinat légal de 20 000 communards.

Léon Gambetta, Jules Ferry et René Goblet

La séparation de l’école et de l’Eglise

De 1881 à 1889, le travail législatif de laïcisation est intense. En huit ans, c’est l’inscription dans les textes de la laïcité, centrée en gros sur la séparation de l’école et de l’Eglise. Déconfessionnalisation des cimetières, suppression des prières qui ouvraient les travaux parlementaires, instruction primaire laïque gratuite obligatoire pour les enfants des deux sexes de 6 ans à 13 ans, loi Goblet qui laïcise les personnels enseignants, et pour finir, suppression des subventions aux écoles privées. Six ans plus tard viendra la loi de séparation de l’Etat et de l’Eglise.

Aristide Briand et Jean Jaurès

La loi de 1905, compromis et entorses

La discussion de la loi de 1905 fut âpre, mais elle définit clairement la laïcité : la République ne reconnaît, ne salarie, ni ne subventionne aucun culte. Pour l’adopter, il a fallu aménager des compromis : l’entretien des églises en est un, 34 500 églises et cathédrales étant la propriété de l’Etat depuis la Révolution. Après des débats très agités, l’Etat décide qu’il reste propriétaire de ces biens, et il leur donne un statut patrimonial, de monument historique. On peut désormais entrer dans Notre-Dame sans se signer pour contempler les vitraux, voire écouter un concert d’orgues. Certains étaient partisans de prélever un loyer, mais Briand et Jaurès ont plutôt incliné vers la mise à disposition gracieuse. Depuis le 1erjanvier 1906, l’Etat ne peut financer ni la construction ni l’entretien de nouveaux lieux de culte, quelle que soit la religion. Quand Jack Lang a accepté de financer sur des fonds publics la cathédrale d’Evry [Essonne] sous prétexte d’y faire un musée d’art chrétien, il est totalement hypocrite. En fait de musée, il y a deux salles avec trois objets qui se battent en duel. L’argent public d’un ministère socialiste de la Culture a servi à construire un lieu de culte. C’est une entrave à la loi de 1905. Quant à Delanoë, qui a financé une partie des travaux dans le temple de la rue Madame, dans le Vie arrondissement de Paris, il a, lui aussi, violé ouvertement la loi de 1905.

Les deniers du culte, qui sont des dons volontaires à l’Eglise, sont une autre affaire, mais ils sont aussi une entorse à la loi de 1905 : aujourd’hui encore, vos dons à l’Eglise sont défiscalisés. Si vous donnez 100 euros aux deniers du culte, l’Etat déduit 66 euros de votre impôt. Alors que la défiscalisation n’a de sens que pour des œuvres d’intérêt général. Si vous versez 100 euros aux Restos du cœur, l’Etat déduit également 66 euros, mais là, c’est légitime, car les Restos du cœur, qui donnent à manger à ceux qui ont faim, sont d’intérêt général.

Henri Pena-Ruiz

(Henri Pena-Ruiz est maître de conférence à l’Institut d’études politiques de Paris et professeur agrégé de philosophie en Khâgne (classe supérieure classique) au lycée Fénelon.)

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