Une approche inhabituelle (neuroscientifique ) du phénomène religieux

24 Oct 2013

ADLPF La Libre Pensée Laïcité Une approche inhabituelle (neuroscientifique ) du phénomène religieux

Au-delà des pertinentes considérations juridiques et judiciaires de François BRAIZE et Jean PETRILLI à propos de la crèche Baby Loup, [article …ici…] je me réjouis de les voir mettre l’accent sur le concept de « liberté religieuse », qui est en effet « une invention des juristes catholiques, en réalité un acte de militantisme, toujours prompts à trouver de nouveaux terrains d’expression et de conquête ». Braize et Petrilli dénoncent avec raison « la multiplication des revendications prosélytes ou communautaristes » ainsi que « les monothéistes » qui « usent à fond des procédures judiciaires pour faire prévaloir leur point de vue et jusqu’au plus haut niveau », avec l’appui de magistrats croyants ». Ansi, « au nom de l’intérêt supérieur des consciences qui en sont au stade le plus influençable de leur développement », Braize et Petrilli se font les défenseurs de « la protection de la petite enfance vis-à-vis des prosélytismes » qui exploitent « la fragilité et de la malléabilité des consciences au stade de la petite enfance » (…).

Des neurophysiologistes confortent d’ailleurs leur point de vue en ayant constaté que si les hippocampes (centres de la mémoire explicite) sont encore immatures à l’âge de 2 ou 3 ans, les amygdales (du cerveau émotionnel), elles, sont déjà capables de stocker inconsciemment le souvenir d’événements à forte charge affective ou des souvenirs émotionnels tels que, par exemple, l’atmosphère « envoûtante » d’une église, les prières et autres comportements religieux des parents et des éducateurs, voire leurs inquiétudes métaphysiques, sans doute reproduits via les neurones-miroirs du cortex pariétal inférieur. Ces « traces » neuronales, appelées « engrammes », sont indélébiles, et se renforcent par plasticité neuronale, au fur et à mesure des expériences religieuses.

Le neurobiologiste Henri LABORIT, l’avait bien compris dans « Eloge de la Fuite », page 59 : « Je suis effrayé par les automatismes qu’il est possible de créer à son insu dans le système nerveux d’un enfant. Il lui faudra, dans sa vie d’adulte, une chance exceptionnelle pour s’évader de cette prison, s’il y parvient jamais « . Répondant à Jacques LANGUIRAND, à Radio Canada, il ajoutait  : « Vous n’êtes pas libre du milieu où vous êtes né, ni de tous les automatismes qu’on a introduits dans votre cerveau, et, finalement, c’est une illusion, la liberté ! « .

Les observations par IRM fonctionnelle et par tomographie à émission de positons suggèrent que le cerveau rationnel, le cortex préfrontal notamment, et donc aussi bien l’esprit critique que le libre arbitre ultérieurs s’en trouvent inconsciemment « éteints », et donc « anesthésiés », à des degrés divers, indépendamment de l’intelligence et de l’intellect, du moins en matière de foi.

Je pense donc que, dans nos pays démocratiques, la liberté constitutionnelle de conscience et de religion est plus théorique et symbolique qu’effective, parce que l’émergence de la liberté de croire ou de ne pas croire est généralement compromise, à des degrés divers.

Elle l’est d’abord par l’imprégnation de l’éducation religieuse familiale précoce (le tout jeune enfant est déjà naturellement animiste), éducation forcément affective puisque fondée sur l’exemple et la confiance envers les parents (influence certes légitime mais unilatérale, identitaire et communautariste).

Elle l’est ensuite par l’influence d’un milieu éducatif croyant occultant volontairement toute alternative humaniste, rationnelle, philosophiquement laïque et non aliénante.

L’éducation coranique, exemple extrême, en témoigne hélas à 99,99 % : la soumission à tous points de vue y est en effet totale et à tous égards. Du fait de l’actuelle conception laxiste et électoraliste de la tolérance et de la neutralité des pays occidentaux, on tolère que les musulmans, même de chez nous, à qui l’apostasie est interdite par le coran, ne bénéficient pas de l’article 9 de la Convention Européenne des Droits de l’Homme (anciennement art. 18 de la Déclaration Universelle des Droits de l’Homme de 1948) puisque l’islam, plus que les deux autres monothéismes, occulte ou au moins dénigre les alternatives non confessionnelles de¨l’humanisme laïque, certes anti-dogmatique et anticlérical, mais pas antireligieux puisqu’il prône le libre choix éclairé entre croyance et incroyance.

Michel THYS

http://michel.thys.over-blog.org/article-une-approche-inhabituelle-neuroscientifique-du-phenomene-religieux-62040993.html

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8 Commentaires

  1. denis

    ça fait rudement plaisir de lire sur ce site un article d’une telle qualité !

    Chapeau bas devant M. Thys.

  2. Bernard DAUBENFELD

    Bonjour,

    Je ne sais pas très bien ce que les neurosciences peuvent encore faire pour moi (65 ans mon brave Monsieur), mais je n’ai absolument rien compris à ce texte de Michel THYS.

    Bernard

  3. Michel THYS

    Bonjour Bernard DAUBENFELD,

    Merci d’avoir écrit que vous n’avez pas compris ma prose.

    Je vais donc tenter de résumer, plus clairement et un peu moins longuement que dans http://michel.thys.over-blog.org/article-une-approche-inhabituelle-neuroscientifique-du-phenomene-religieux-62040993.html,
    mon « approche inhabituelle psycho-neuro-physiologique et éducative du phénomène religieux ».

    Je tiens à préciser qu’il ne s’agit là que d’une hypothèse explicative, sans prétendre qu’elle soit pertinente. Deux constations sociologiques en sont à l’origine, dont vous conviendrez sans
    doute :

    au niveau mondial, j’observe depuis plus de cinquante ans une corrélation flagrante entre d’une part une éducation religieuse précoce, confortée ensuite par un milieu culturel unilatéral
    occultant les options non confessionnelles, et d’autre part la fréquente persistance de la foi. C’est même le « fond de commerce », évidemment malhonnête intellectuellement et
    moralement, de toutes les religions.

    – a contrario, c’est révélateur et réconfortant, chez les enfants de parents athées, la foi n’apparaît pas, sauf influences parasites ultérieures.

    Pour que, depuis des millénaires et même de nos jours dans des pays intellectualisés, les religions soient parvenues à imposer la soumission, parfois totale dans le cas de l’islam, à un dieu (qui
    n’a pourtant jamais donné le moindre signe concret de son existence réelle), à un prophète (qui n’a jamais rien écrit et qui n’a certainement jamais dit tout ce qu’on lui a fait dire) et à un
    texte « sacré » manipulé au cours des siècles, il fallait nécessairement qu’elles spéculent sur la composante irrationnelle et atavique du primate humain et sur la capacité évolutive de
    son cerveau rationnel à imaginer un « « Père protecteur substitutif ».

    Il fallait surtout et d’abord qu’elles exploitent la fragilité du cerveau émotionnel du jeune enfant, forcément encore privé de tout esprit critique, en influençant ses cinq sens, via le
    gigantisme et le décorum des lieux de cultes, les grandes orgues, l’odeur d’encens, l’hostie (si elle a un goût !), les prières des parents croyants, les génuflexions et autres prosternations
    concrétisant la soumission, indigne à mes yeux, au détriment de l’autonomie de la conscience, de la responsabilité individuelle, de la réflexion rationnelle inspirée par le libre-examen, l’esprit
    critique et les observations scientifiques.

    Mais je tiens évidemment à préciser que je respecte les croyants, victimes inconscientes des religions, heureusement de plus en plus nombreux sous noslatitudes à contester le dogmatisme et le
    néocléricalisme religieux. Par contre, je condamne toutes les religions, en fonction de la soumission qu’elles imposent.

    En conclusion, je pense que dans les prochaines décennies, l’alternative de l’humanisme laïque, voire l’athéisme, devraient lentement progresser, du fait de la prise de conscience par le plus
    grand nombre, via les neurosciences, de l’origine exclusivement psychologique, éducative et culturelle de la foi, ainsi que de sa fréquente persistance neuronale, amplifiée par la plasticité
    synaptique, au fur et à mesure des expériences religieuses qui laissent des traces indélébiles dans le cerveau émotionnel, puis rationnel de l’adulte, indépendamment de son intelligence et de son
    intellect, du moins en matière de croyance religieuse.

    Merci de me dire si vous m’avez mieux compris.

     

    Bien à vous,
    Michel THYS

  4. François LEDRU

    Les croyants semblent être d’abord des gens qui font un dieu avec ce qui fait peur, le volcan, la foudre, la mort ; donc ils inventent Hephaistos-Vulcain, Zeus-Jupiter et Hades-Pluton ; puis ils
    essaient de rassembler en un seul dieu. Cela parait l’hypothèse la plus plausible, même si elle n’est guère flatteuse pour eux.

    Pour le pouvoir, les religions utilisent l’idée que leur point de départ, leur idée, et leurs hommes sont d’une seule pièce, monolithiques. Ce principe affirmé bien fort ! Ceci affirmé par des
    bâtiments les plus impressionnants possible. Et l’orgue, etc… Si le curé est un peu indulgent, il a un tel sourire supérieur, une telle moue méprisante, que c’est une faveur ! Rien de
    changé.  Ledru

  5. françois braize

    Merci à Michel Thys d’avoir encore mieux explicité son analyse ! 

    Cet apport des neurosciences rend encore plus évidente la nécessité d’un dispositif juridique « béton » (donc la loi) pour protéger la toute petite enfance, du fait de sa malléabilité « neuronale et
    synaptique », de tous les prosélytismes.

    Mais les réactions à prévoir seront violentes car la loi s’attaquera ainsi au coeur du vivier dans lequel les prosélytes entendent continuer à puiser. En conséquence, il faudra ne leur laisser
    aucun interstice où se glisser et, donc,  ne prévoir aucune exception pour d’éventuelles créches confessionnelles que certains souhaiteront alors voir se développer ! 

    François Braize

  6. Michel THYS

    @ François BRAIZE

    La nécessité de protéger légalement la malléabilité de tous les enfants de tous les prosélytismes idéologiques et religieux devrait aller de soi, par simple
    honnêteté intellectuelle et morale.

    Mais, comme toutes les autres, les neurosciences ne s’occupent que de l’observation des phénomènes et non pas de leurs répercussions psychologiques ou
    philosophiques (à part parfois la psychologie qui n’en est pas vraiment une) …

    Ce n’est donc que la libre interprétation de ces observations qui permet à certains, comme moi, de tirer des conclusions à implications « pédagogiques »,
    concernant la famille et l’enseignement.

    En outre, les psychologues et les neurophysiologistes hésitent à s’engager dans un domaine aussi délicat, à la limite de l’objectif et du subjectif. Ils sont
    d’ailleurs confortés par l’actuelle conception de la « liberté de conscience », sans oser dire qu’elle est plus symbolique qu’effective, par celle de la tolérance laxiste et de la
    neutralité, et par celle de la liberté d’expression (même fondamentaliste !). Ils ne ne s’intéressent donc pas, ou quasiment pas, aux phénomènes religieux (sauf bien sûr ceux qui sont croyants,
    comme Mario BEAUREGARD : financé par la très chrétienne Fondation Templeton, il a tenté de démontrer « scientifiquement » l’existence réelle de « Dieu » en recherchant
    dans le lobe pariétal droit, en vain évidemment, l’antenne que « Dieu » y aurait mise pour recevoir sa « Révélation », ) ! Le comble de l’anthropomorphisme ! Voilà
    ce qui arrive quand une religion laisse le cerveau émotionnel dominer le cerveau rationnel, même celui d’un « scientifique » …

    Toutes les religions ne manqueront pas, en effet, de freiner la prise de conscience de la malhonnêteté inhérente à toute éducation religieuse et elles
    persisteront à exploiter « la peur », comme dit François LEDRU, et le besoin d’espérance des croyants. Cela doit nous inciter, par
    autodéfense, à réagir proportionnellement à ces attaques, non seulement en empêchant par exemple la création de crèches confessionnelles aux frais de la collectivité, mais surtout en promouvant
    un humanisme laïque.

    Cordialement,

    Michel THYS

     

     

  7. braize francois

    L’article écrit avec Jean Petrilli sur l’affaire Baby Loup, et qui avait amené votre intéressante contribution, a également été publié hier en « Tribune » sur Slate.fr.

    La même contribution que vous y aviez apporté ici serait donc intéressante de votre part me semble t-il sur Slate.fr qui offre aussi la possibilité de commentaires.

    restant à votre disposition.

    bien cordialement

    François Braize

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