La Laïcité, défi du XXIème siècle de Gérard DELFAU

11 Mar 2016

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Note de lecture:

La Laïcité, défi du XXIème siècle de Gérard DELFAU.

L’Harmattan : Collection « Débats Laïques ».

« La laïcité est un devenir, il s’agit d’un processus historique de longue durée et, par nature, inachevé ». C’est en historien que Gérard Delfau aborde la laïcité, qui est au cœur de son combat depuis des lustres, en historien attentif à la naissance du concept qu’il situe avec la Révolution française et la Déclaration des Droits de l’Homme et du Citoyen. Ce bouleversement radical, dont le retentissement n’est toujours pas éteint, qui renversa un pouvoir de droit divin et absolu et fit de sujets des citoyens, devenus source de tout pouvoir et de tout droit. Voici l’origine de la laïcité puisque le citoyen entend désormais vivre et s’organiser en dehors des injonctions tant de l’aristocratie que du religieux, depuis toujours complices attentifs.

Au fil des pages, l’auteur conte le déploiement de ce qu’il nomme le « Bloc législatif », avec ses reculs dus aux Restaurations et au Concordat napoléonien, mais aussi ses avancées opiniâtres et généreuses, et qui aboutit, momentanément, à la loi de Séparation de 1905, acmé mais non point d’orgues d’une lutte incessante pour la liberté d’être. Car la saga ne s’arrête pas là, et c’est le coup de génie de Gérard Delfau de nous montrer l’évidence de ce corpus en un remarquable et lumineux schéma.

Page 170 et en cinq « cases » sont détaillés les principaux textes selon :

Le principe de séparation : Déclaration des DH & C, loi de séparation, Constitution de 1958.

Sphère de la puissance publique-état : état civil, mariage civil, mariage entre couple de même sexe etc. ; mais aussi, municipalisation des cimetières et des Pompes funèbres, laïcisation de l’hôpital public, liberté de la presse, suppression du délit de blasphème. École : loi Ferry-Goblet, loi sur les congrégations religieuses, arrêt Bouteyre, circulaire Jean Zay, loi sur les signes ostentatoires de 2004. Sans oublier l’obligation de neutralité des fonctionnaires de 1983.

Sphère des libertés individuelles : dépénalisation du suicide et de l’homosexualité, contraception (lois Neuwirth & Veil), loi sur la fin de vie (Léonetti). Loi interdisant la dissimulation du visage (2010).

Sphère de la société civile : liberté de choix : neutralité confessionnelle, liberté religieuse. Liberté d’association (1901), liberté d’organisation des églises (associations cultuelles, lois 1901 & 1905). Entreprises privées, partis politiques, syndicats etc.

Sphère privée : voies et espaces publics, domicile : totale liberté de comportement (vestimentaire, alimentation, etc.) et d’opinion politique, religieuse, philosophique, sous réserve de l’ordre public et de la liberté d’autrui.

Ainsi se déploie sous l’œil du lecteur le corpus législatif qui signe « l’exception française » ; exception qui retranche le citoyen des influences délétères du religieux tout en garantissant au croyant la pleine liberté de pratiquer paisiblement sa religion.

Cependant, le combat continue, car rien n’est définitivement gagné face aux activistes religieux dont la nocivité est inversement proportionnelle au nombre de militants dont ils disposent (on pense à la théorie des minorités agissantes chère à Lénine). L’irruption dans notre société d’une religion, l’islam triomphant, devenue agressive et conquérante par la grâce de religieux profondément politisés et dont les objectifs ne sont pas mystérieux, a entraîné, ça n’est rien de le dire, un certain flottement des esprits qui se traduit par ce renversement effarant : la laïcité serait liberticide ! Même procédé sémantique malhonnête repéré dans l’opposition école libre/école publique où est « libre » le confessionnel !… Alors surgissent les adjectifs dont on veut abîmer la laïcité, alors les rayons des bibliothèques croulent sous les publications qui ne veulent certes pas que du bien à la laïcité, puisqu’il en est qui en voient sept ! Ne nous laissons pas faire et défendons bec et ongle la laïcité. Ferdinand Buisson n’a-t-il pas expliqué en son temps : « L’état n’est pas libre, il est souverain et seul souverain », par voies de conséquence, il faut le redire haut et fort, la foi ne fait pas la loi et la loi n’interfère pas sur la foi. Chacun chez soi. Les gouvernements peuvent hélas défaillir, mais surtout pas la République qui est l’État. Il ne faut pas craindre de le rappeler aux élus.

Gérard Delfau conclut par un tour d’horizon sur l’Europe « sous influence », mais ne désespère pas, car il aperçoit ici et là des signes encourageants qui engendrent ce qu’il appelle « un nouvel horizon ». Concrètement, des états comme les pays scandinaves ou le Grand Duché du Luxembourg introduisent des dispositifs laïques dans leur corpus législatif… à suivre.

« La laïcité est [certes] fragile, elle peut disparaître, et pourtant elle porte l’espoir d’un monde nouveau » ; « L’enjeu de la laïcité est à la mesure du risque de conflagration mondiale ; et cette donnée va peu à peu s’imposer ». Tel est l’ultime message d’optimisme de Gérard Delfau.

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Voilà un livre qu’on ne peut manquer d’installer au premier rang de ses livres de chevet tant il clarifie ce qui pourrait être encore obscur dans l’esprit du militant libre penseur journellement matraqué par la prose anti laïque qui fait semblant de ne pas voir les bienfaits sociétaux et les espaces de liberté que la laïcité a ouverts et conquis dans ce pays et, redisons-le, qu’elle ouvre maintenant dans d’autres pays.

Gilles Poulet

3 mars 2016http://www.editions-harmattan.fr/index.asp?navig=catalogue&obj=livre&no=48690&razSqlClone=1

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