Triangulation

30 Nov 2015

Depuis le 13 novembre, c’est à dessein que je me suis tu. J’ai suspendu le Ramasse-Miettes et chacun peut le comprendre. En effet, comment ironiser ou dauber dans ce contexte dramatique ? Et puis après tout, je ne fais profession ni d’humoriste ni de commentateur BFMisé. Circonspection, discrétion et silence donc, par respect pour les victimes, surtout.

Mais voilà, hier, vendredi 27 novembre, aux Invalides, avait lieu l’hommage de la Nation aux victimes, après quoi la campagne électorale pouvait reprendre – a-t-elle seulement jamais cessé ? Et revoilà les gloses infinies sur l’air du « on vous l’avait bien dit » – sans rire ? – ; « si on avait été aux affaires, on aurait fait plus et mieux » – ben voyons ! ; « ce gouvernement est incapable » -air connu ! Etc. La mauvaise foi et la mesquinerie revenues sur le devant de la scène où chacun y va de son Yaka, Fokeu, Fokon.

Alors, en tant que libre penseur lambda, et ici je prie mes lecteurs d’oublier mon titre car ce qui suit n’engage que moi, en tant que libre penseur lambda dis-je, je veux tenter de dresser une sorte de bilan, un bilan qui n’exige pas nécessairement des compétences hors de portée de chacun d’entre nous et qui relève de la parole libre dont chaque citoyen dispose, du moins en principe.

La question qui vient immédiatement à l’esprit est celle-ci : qui a gagné quelque chose dans cette affaire ? Réponse : sans l’ombre d’un doute le pseudo état islamique et l’extrême droite.

Contemplons les dégâts : outre les morts et les blessés, victimes innocentes d’une phalange inique et barbare, formée de petits truands hallucinés, les dommages considérables infligés à notre démocratie, à notre art de vivre, à notre goût du partage. Le Président Hollande, maître dit-on dans l’art de la synthèse, a saisi cette opportunité pour trianguler la Droite. Ah la belle opération ! Et que je te puise dans la boîte à outils du Front National – c’est pas moi qui le dit, c’est sa présidente, et que je pique les idées de l’ex UMP (désolé, je n’arrive pas à écrire les R…) etc. Opération hautement politique inventée par les « spin doctors » de Tony Blair qui triangula en son temps le thatchérisme et ainsi affadit pour longtemps le travaillisme.

A son tour, monsieur Hollande vient d’affadir, plus encore qu’il ne l’a déjà fait, le socialisme. Quoi ? C’est un gouvernement prétendument socialiste qui jette ainsi aux orties les libertés au nom d’un état d’urgence prolongé de trois mois et qui a pour premier effet de suspendre les garanties judiciaires en déconnectant police et justice. On pouvait certes comprendre les 12 jours initiaux, mais 3 mois de plus ? Pour quelle urgence, précisément ? Ce précédent est dangereux. Imaginons un tel dispositif aux mains du FN, qui le trouve bien timide. D’ailleurs, les bavures qui remontent, tant bien que mal, dans les médias montrent que jamais il n’est prudent de suspendre l’état de droit.

Alors oui, de ce point de vue, les terroristes ont gagné, ils ont réussi à entamer ce qui chez nous fait consensus : l’état de droit, la démocratie, la liberté d’aller et venir, la liberté tout court. Ils ont introduit la discorde et des germes de dissolution. Il leur reste, et alors leur stratégie serait un triomphe, à déclencher des pogroms et/ou des ratonnades.

Honnêtement, je pense que notre démocratie peut se passer d’un tel dommage, elle en a vu d’autres dont elle s’est relevée encore plus forte. Lui infliger ce traitement c’est ne pas croire en ses capacités de résistance.

Ne laissons pas des barbares détruire les biens les plus précieux de nos sociétés : la démocratie et la liberté, même si elles sont perfectibles. Ne laissons pas les forces de désintégration semer le venin de la discorde et de la fermeture. Les sociétés dynamiques sont des sociétés ouvertes, la fermeture les sclérose.

Gilles Poulet

26 novembre 2015

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3 Commentaires

  1. François Braize

    Autant j’apprécie votre « ramasse miettes », autant là le pense que dans votre « triangulation » il y a un léger court circuit intellectuel (doux euphémisme…).
    Vous perdez les pédales en rejoignant, par vos critiques naïves et irresponsables des mesures prises, nos « fameux » islamo-gauchistes, idiots utiles de DAECH. Même Onfray, largement égaré lui aussi, s’est résigné à rentrer dans une discrétion de meilleur aloi…
    Vous avez perdu de vue que l’obscurantisme islamiste nous a, là, déclaré la guerre, une guerre totale visant à nous détruire et avec toutes nos valeurs. Faire joujou avec les pseudos bons sentiments, est dans ces conditions aussi surprenant qu’irresponsable.
    Extrêmement décevant !

  2. Gilles Poulet

    Monsieur Braize, je ne suis pas Onfray, je n’en ai pas la culture et ma voix ne porte pas aussi loin que la sienne, mais j’assume mes positions en sachant qu’elles ne font pas toujours plaisir à tout le monde. Cela ne fait pas de moi un « idiot utile », litote qui cache une autre violence d’opinion, et mon honneur est de ne pas forcément hurler avec les loups quand ceux-ci ont l’air d’être ultra majoritaires. Les démocraties sont des démocraties aussi longtemps qu’on ne commet pas l’erreur de couper les outils de la répression de ceux du judiciaire, on le sait depuis Montesquieu. Cela dit, penser librement est bien souvent minoritaire et je m’en accommode.

    • François Braize

      C’est votre droit mais je ne peux que vous renvoyer à votre dernier (excellent) billet sur les « Pilleurs de mots ». Mal nommer, c’est ajouter au malheur du monde…
      A cet égard, une précision technique pour les non spécialistes « couper les outils de la répression de ceux du judiciaire », dites vous, que diable ! Mais, hélas pour votre position, minoritaire ou non cela a peu d’importance, ce n’est pas vraiment exact. Même en état d’urgence ce n’est pas le cas puisque le judiciaire conserve le monopole de toutes poursuites du même nom pour la suite à donner aux constatations opérées sur la base d’une perquisition administrative. En outre les mesures administratives prises en état d’urgence sont soumises au contrôle normal du juge. C’est là une des différences avec l’article 16 de notre Constitution qui lui est davantage un déni de démocratie.

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