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Voyage au bout de la misère

17 Avr 2016

C’est une histoire bien banale, celle d’une jeune Nigériane. Sa famille est très pauvre, elle est prête à tout pour l’aider. Par relations, elle apprend qu’une commerçante française cherche des employées pour son magasin. Elle arrive à payer son billet d’avion. A Paris, un monsieur très bien la récupère et la transporte en voiture jusqu’à Bordeaux. Et là… Vous m’avez comprise : pas plus de magasin que de Vichy-Célestins dans une barrique de Saint-Emilion. L’honorable commerçante n’est qu’une mère maquerelle de bas étage, une Madame Claude au petit pied. Et la jeune Nigériane devient fille de joie, comme disent « ces vaches de bourgeois ». Un client dingue la poignarde ; mais à l’hôpital, elle se tait, car on l’a menacée de mort si elle parlait. Finalement, elle parvient à s’évader de cet enfer grâce à une association et un foyer la recueille avec son enfant. Elle n’a pas vingt ans.

Mes chers camarades masculins, ce qui suit vous est adressé. Il y a forcément parmi vous des usagers de la prostitution. Je fais appel à votre conscience : quelles que soient vos difficultés, votre solitude, votre misère affective, souvent réelle, réfléchissez avant d’en faire porter le fardeau à plus misérable que vous. La prostitution est très rarement un état choisi. Vous pouvez choisir, vous. Au moins, tâchez d’éviter les plus mauvais choix et de ne pas prêter les mains à la pire infamie. C’est le contraire des jeux olympiques : ici, l’important est de ne pas participer.

Une très belle pièce diffusée récemment sur France-Culture, Les Hirondelles de Kaboul, d’après le roman de l’écrivain algérien Yasmina Khadra, s’ouvre sur la lapidation d’une prostituée. Combien d’anciens clients parmi les jeteurs de pierres ? J’avoue ma préférence pour un cousin éloigné, qui se fit mal voir en déclarant que les prostituées entreraient les premières dans le royaume de Dieu. Les vertueux qui chassèrent de leur église William Booth, fondateur de l’Armée du Salut, avaient dû mal lire. On constate tout de même que, même si l’attitude est différente, aucune religion ne prône l’abolition générale, ce qui pourrait se résumer par cette formule :

« Des putes, il en faut, mais pas mes filles. »

Vous voyez qu’en fait on n’était pas si loin de la question laïque. On y est même en plein, car, si l’on admet que la laïcité doit aller de pair avec le progrès humain et social, on ne peut plus fermer les yeux sur l’une des plus graves violations de la dignité humaine. N’en déplaise à l’ami saint Augustin, qui disait à peu près qu’il faut des bordels comme il faut des lieux d’aisance, la prostitution fait honte à l’ensemble du corps social. Elle est surtout le plus beau fleuron du système patriarcal ; Et je ne pardonnerai jamais à Proudhon d’avoir dit que « la femme ne peut être que ménagère ou courtisane ».

Sophie TORDJMAN

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2 Commentaires

  1. Boutreau yvan

    La prostitution n est jamais un choix ,elle est toujours le resultat de maltraitance psychologique infantiles ,abus sexuels de toute nature par des adultes ou des adolescents de tout milieu ayant plus ou moins autorité sur la maltraitée frère ,père cousin ou ami de la famille.La lutte contre la prostitution passe par des textes comme celui là à condition de supprimer la phrase « la prostitution est rarement un etat choisi » et de lutter efficacement contre les maltraita ces intra familiales
    Cordialement

  2. Duterroir

    Si le camarade Augustin croyait à l’utilité des bordels au même titre que de celle des lieux d’aisance, alors on peut dire, résonnant par l’absurde, que son église qui condamne les premiers, potentiellement condamne les seconds… C’est là qu’on mesure l’ambigüité de cette religion, son hypocrisie aussi.

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