Patte blanche au Vatican
Et si Dieu n’aimait pas les Noirs ?
par Serge Bilé
et Audifac Ignace
(Pascal Galodé éditeurs)
QUINZE euros la messe, cinquante la passe. La vie est dure pour les religieux et religieuses venus d’Afrique poursuivre des études de théologie à Rome ou y servir la papauté. Nombre d’entre eux, envoyés au Vatican par leur évêque afin d’étudier, attendent en vain la bourse promise. Pour survivre, ils doivent multiplier les messes, payées entre 15 et 50 euros la séance, au détriment de leurs études. Sans diplôme après la durée normale de leurs recherches, ils se voient retirer leur titre de séjour par le Vatican, et se retrouvent sans papiers dans Rome. Certains sont clochards. D’autres survivent en donnant des messes privées aux impotents des familles aisées.
Pour les religieuses, c’est pire. Racolées en Afrique par des congrégations vieillissantes, elles débarquent à Fiumicino pour faire la boniche dans les maisons de retraite et les établissements gérés par la très sainte Eglise. Leur seul salaire se limitant au gîte et au couvert (la bourse promise au départ n’était, également, que fictive), nombre d’entre elles louent leurs charmes pour survivre ou envoyer de l’argent au village. Elles seraient, à en croire les auteurs, plusieurs dizaines à proposer la botte, avec pour principaux clients en Italie les « padri » de l’Eglise.
Ce sort réservé aux ecclésiastiques de la « diversité » résume assez bien les haut-le-cœur que les Noirs inspirent parfois aux dignitaires de l’Eglise. Quand le cardinal béninois Gantin est arrivé à Rome, en 1971, il ne s’est trouvé personne pour venir l’accueillir à l’aéroport, ce qui révolta Paul VI en personne. Chaque nuit, ce proche collaborateur du pape recevait des coups de fil anonymes le traitant de « saleté africaine ». Sept ans plus tard, il était cité parmi les «papabili ». Mais sa candidature fit long feu. La fumée blanche s’éleva pour l’éphémère Jean-Paul Ier. Il n’aurait pourtant pas été le premier black à s’asseoir sur le trône d’évêque de Rome. Trois Africains ou Noirs l’ont précédé dans les premiers siècles de la chrétienté, mais l’iconographie religieuse les représente en Blancs. Blanchi également sur les tableaux officiels, saint Maurice, le patron noir du Valais.
C’est que les nègres ont mauvaise réputation : aux yeux des Monsignori, ils copulent comme des lapins. Pie XII, qui, pourtant, publia quelques écrits antiracistes, demanda même aux troupes alliées qui s’apprêtaient à libérer Rome qu’elles n’introduisent pas un seul militaire « de couleur » dans la Ville éternelle afin d’éviter les viols. L’état-major refusa sèchement. Et lorsque, quelques décennies plus tard, des tentatives d’assassinat furent perpétrées contre des religieux noirs, y compris le plus proche collaborateur de Jean-Paul II – un évêque zaïrois -, laissé pour mort dans la résidence d’été de Castel Gandolfo, les enquêtes policières furent promp-tement étouffées. Mais au moins les religieux noirs ont une consolation : certains de leurs sacrés collègues détestent encore plus les Juifs.
Alain Guédé, paru dans : Le Canard enchainé- 18/02/2009
Sous-titre : « Enquête sur le racisme aujourd’hui au Vatican ». 120 p., 15 €.
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