Le curé MESLIER

29 Avr 2009

XJean Meslier est né en 1664 ; après avoir été « formé » au séminaire de Reims son évêque le nomma curé d’Etrépigny, petit village des Ardennes, il a alors 25 ans ; c’est là qu’il a exercé ses fonctions sacerdotales, procédant aux baptêmes, mariages, enterrements, et prêchant, sans excès de zèle, lors des offices dominicaux. Il a passé près de quarante ans de sa vie dans ce milieu exclusivement rural et obligatoirement catholique, jusqu’à son décès en 1729. Il serait resté inconnu des historiens s’il n’avait laissé, à sa mort, un manuscrit : « Mémoire de mes pensées et sentiments », connu aussi sous le nom : « Le testament », c’est une bombe ! En 1200 pages manuscrites, Meslier s’attaque aux prétendues preuves de l’existence de Dieu et aux dogmes catholiques. Certes, il lui manquait une formation scientifique mais il avait beaucoup lu et réfléchi. Ses cinq ans de théologie au séminaire en faisaient un bon connaisseur de la bible, des évangiles et des dogmes auxquels il ne croyait pas.

Des copies du « Mémoire » circulent dès 1740 et, en 1761, Voltaire en publie « L’Extrait », mais, en bon déiste hypocrite, il purge honteusement l’œuvre de Meslier, ne conservant que les critiques de la religion, et supprimant tout ce qu’elle a de révolutionnaire et de radicalement athée. Heureusement le texte intégral a été ensuite édité, pour quelques amateurs éclairés, en Belgique, en France puis en URSS (où il était étudié lors des cours de philosophie).

Pourquoi une bombe ? Parce que, à l’aube du siècle des Lumières, il fut un précurseur de la philosophie matérialiste, l’inspirateur de La Mettrie (1709-1751), de d’ Holbach (1723-1789) et de Sade (1740-1814). Soixante ans après éclatait la Révolution française, et maintenant, près de quatre siècles après, son cri de révolte n’a pas vieilli.

Citons-le : « Serait-il possible qu’un être infiniment bon et infiniment sage ne voudrait pas faire tout le bien qu’il pourrait ? » (chapitre 74) ; et encore : « Dieu n’est point, n’a jamais été et ne sera jamais » (chapitre 86). Matérialiste mais aussi révolutionnaire : « Je voudrais faire entendre ma voix d’un bout à l’autre du royaume, je crierais de toutes mes forces : « Vous êtes fous, ô hommes ! Vous êtes fous de vous laisser conduire de la sorte et de croire aveuglément des sottises ! Vous êtes dans l’erreur et ceux qui vous gouvernent vous abusent ! » (chapitre 96).

Meslier n’était pas « l’ennemi de Dieu », il était l’ennemi de « l’idée de Dieu et de l’idée de l’âme ». Alors, s’il avait de telles convictions, pourquoi les dissimuler sa vie durant ? Ne concluons pas trop vite à sa lâcheté. Il faut replacer son itinéraire dans le contexte du XVIIIe siècle. Le curé de campagne connaissait la menace terrible qui pesait sur les athées, il suffisait qu’un bon paroissien le dénonce comme hérétique pour qu’un procès soit instruit par l’archevêché et le procureur royal. De son temps plusieurs prêtres et laïcs ont payé de leur vie leur anti religion. En 1776 le Chevalier de la Barre a été torturé, on lui a arraché la langue avant de le brûler pour la plus grande gloire de l’Eglise et du roi de France.

Meslier ne s’est pas démasqué sa vie durant, il en a probablement souffert, mais sa revanche, posthume et explosive, c’était son « Mémoire ». Citons-le une dernière fois : « La religion et la politique s’unissent pour vous tenir captifs dans leurs tyranniques lois. Vous serez misérables et malheureux tant que vous souffrirez la domination des princes et des rois de la terre ».

Bibliographie succincte (bibliothèque personnelle consultable):

« Le curé Meslier. Athée, communiste et révolutionnaire sous Louis XIV », par Maurice Dommanget, 1956, réédité en 2008 aux éditions Coda. D’une grande érudition, la référence historique.

« Lire Jean Meslier. Curé et athée révolutionnaire», par Serge Deruette, en 2008 aux éditions Aden (Bruxelles). Ce livre, présentant de larges extraits du « Mémoire », est clair et facile d’accès.

« Histoire de l’athéisme », par Georges Minois, en 1998 chez Fayard. Le livre que tout libre penseur cultivé devrait avoir lu.

« Contre histoire de la philosophie – tome 4 : les Ultras des Lumières », par Michel Onfray, en 2007 chez Grasset. L’auteur du « Traité d’athéologie » justifie son hédonisme en se référant aux penseurs matérialistes, il classe Meslier parmi les « communistes libertaires ».

Michel Bottollier – octobre 2008

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2 Commentaires

  1. Chti LP 59

    Une émission de radio libre de droits : Serge Deruette nous conte l’histoire du testament de Jean Meslier (1664-1729 )
    curé de la paroisse d’Etrepigny ( 08160 Ardennes Françaises  ) . . . . Cliquez sur le lien
    vers l’émission

  2. Jean Pierre Savelli de Guido

    Bravo, je suis tombé par hasard, si le hasard existe, sur l’abbé Meslier, en disant la fameuse phrase des guignols, pendre le dernier patron avec les tripes du dernier curé, tout un programme pas toujours apprécier par le bon peuple, et c’est bien dommage.
    Les temps n’est pas tout à fait a ce problème mais la religion est toujours présente pour fanatiser la masse.
    merci d’être les éveilleurs d’idée et que nous soyons nombreux à tenir droite et fière la flamme à la recherche de la vérité.
    Très fraternellement. Renuccio

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