Notes de lecture
Trois lectures pour comprendre, expliquer, lutter. Vaincre peut-être ?
L’ABC de la Laïcité,
ouvrage sous la direction d’Eddy KHALDI,
illustration d’Alain FAILLAT.
Chez Démopolis : www.demopolis.fr
« Le mot laïcité a été élu mot de l’année 2015 par un jury de spécialistes lors du Festival du mot, à la Charité-sur-Loire dans la Nièvre. Pour autant, ses interprétations sont multiples et sa définition l’enjeu de querelles politiques. Si la notion est intelligible, elle n’exclut pas cependant des interprétations divergentes ayant pour but d’infléchir le principe. Cette entreprise de récupération du mot laïcité participe d’une volonté de dénaturation du concept dans des traductions très diverses et parfois antinomiques. »
Ainsi s’exprime Eddy KHALDI en introduction de l’ABC de la Laïcité. Cet ouvrage qui accueille quelques signatures prestigieuses, est un véritable guide propre à définir l’objet laïcité : son environnement législatif et réglementaire, son économie intellectuelle et philosophique, sa place dans le concept de l’universalité républicaine.
Il est articulé en trois parties. La première : « Qu’est-ce que la laïcité ? » Détaillant, par ex. ses bases juridiques et son histoire, mais aussi « la laïcité ignorée par l’Europe ».
La deuxième : « Charte de la laïcité à l’école », avec 15 commentateurs pour ses 15 articles. Lecture hautement intéressante et qui en démontre à la fois l’utilité fondamentale et la nécessité pressante.
La troisième partie : « La laïcité en éducation ». De la nécessité de la laïcité dans l’éducation, de la nécessité de la liberté dans l’éducation, de la nécessité de l’égalité dans l’éducation.
Pour conclure par un vibrant : de la nécessité de la fraternité dans l’éducation.
Liberté, Égalité, Fraternité, Laïcité : un recueil pour tous les militants de la laïcité, pour tous ceux pour qui l’émancipation intellectuelle a un sens, pour tous ceux pour qui la liberté de conscience est un absolu non négociable.
L’ambition de la livraison de février-mars de Manière de voir N° 145, le bimestriel du Monde Diplomatique est différente, mais sa lecture ne peut qu’intéresser le libre penseur, ou tout simplement le laïque conséquent, en lui fournissant les armes et les renseignements dont il a besoin dans ses joutes contre le retour du religieux..
L’ouvrage s’ouvre sur un édito joliment intitulé « Tartuffe à la manœuvre » et est structuré en trois parties intitulées respectivement : Dynamiques internationales, Religions et pouvoir, Penser les croyances.
Au fil de la lecture, on trouvera un papier sur « L’expansion de l’islam traditionnel » : un prosélytisme financé par les pétrodollars saoudiens en guerre contre l’humanisme en général et la « Gauche » en particulier, selon son auteur. Un papier sur « Le pape qui secoue le monde », qui explique les deux objectifs de celui-ci: évangéliser le monde et sortir l’Église d’elle-même. Ou encore sur « Les images normalisées de l’Opus Dei », dont l’objectif est de se fondre dans la société, là où il possède de nombreux relais dans les milieux tant économiques que politiques et où sa mission est de formater théologiquement ses membres et ses sympathisants.
Au chapitre « Religion et Pouvoir », on trouvera des considérations telles que « Quand la foi devient enjeu politique » ou « Retour de l’Église orthodoxe » qui traite de la montée en force de celle-ci en Russie. Également un intéressant papier intitulé : « Calculs politiques contre la laïcité en Grèce » : accommodements et complicité entre politique clientéliste et religion censément « dominante ». Aussi « Le poids électoral des Séfarades israéliens » etc.
« Penser les croyances », enfin pose d’entrée une question : « La religion peut-elle être progressiste ? » où l’on compare la théologie de la libération chrétienne et l’intégrisme islamique, deux idéologies rejetant l’ordre social et politique existant. Mais alors que la première veut inscrire son combat dans une perspective progressiste, la seconde, fondée sur une lecture rigoriste de la religion, prône et promeut un modèle archaïque de société.
Y aurait-il une « […] nécessité de croire » ? « Non répond l’auteur de cette contribution, Jacques Bouveresse, il suffit de se souvenir de l’échec des bonnes vieilles solutions religieuses d’autrefois ». Citons encore quelques intitulés qui ne manqueront pas de nous mettre l’eau à la bouche : « Croire, mais sans religion », « Réflexions sur l’Islam des Lumières » ou encore « La foi face au doute ».
Et comme l’humour involontaire est toujours une source de rigolade – ou de désolation – inépuisable, savourons cette fatwa produite par la célébrissime université Al-Azhar, du Caire.
« En ce qui concerne la possibilité pour une femme d’être dans le même bureau qu’un homme qui ne serait pas de sa famille, voici ce qu’il est recommandé de faire : cette femme peut enlever son voile et être seule avec son collègue dans une même pièce à la condition préalable de l’avoir allaité à 5 reprises, et cela en lui donnant directement son sein. (…) Ce collègue sera ainsi considéré comme son fils. »
L’hebdomadaire Marianne N°981 du 29/01 au 4/02/2016, quant à lui à choisit son camp : celui de la laïcité non adjectivée. Qu’on en juge par ce chapeau : « Une véritable guerre contre la laïcité est engagée. Ses fronts sont multiples. Mouvants. Car ils sont de plus en plus nombreux ceux qui préfèrent l’accommodement à l’adhésion aux universaux républicains. ». Tout est dit !
Au fil des pages sont dénoncés les signes d’abdication et la peur d’être traité de laïcard, « car disent Alexis Lacroix et Laurent Nunez, la laïcité est revendiquée désormais autant par les partisans de la « société inclusive », réceptifs aux charmes de l’organicisme communautaire, que par les tenants de l’intégration républicaine, attachés à la stricte égalité des citoyens ». On y trouvera aussi, de Pascale Boistard, secrétaire d’État aux droits des femmes, un vibrant plaidoyer pour que cesse, entre autres, cette anomalie ainsi formulée : « Il y a sur notre territoire des zones où les femmes ne sont pas acceptées », en cause une forme de morale mal placée, exercée par des groupes minoritaires sur la majorité, qui n’en peut mais.
Alain Léauthier nous conte la saga de JL Bianco, l’homme pour qui « la France n’a pas de problème avec la laïcité ». Guy Konopnicki pointe les deux conceptions de la laïcité qui fracturent la gauche et se durcissent sans cesse entre l’alternative de l’ouverture et la diversité, notamment religieuse, et ceux qui n’entendent pas transiger avec les exorbitantes exigences religieuses.
Régis Debray, quant à lui, constate que « l’esprit de laïcité prend l’eau partout dans le monde, sous la pression des revivals religieux, là où il régnait il y a encore 50 ans ». Il déplore au passage « l’agenouillement des ministres et des présidents devant les organisations communautaires ». À quand un préfet en chaussettes dans une mosquée ? S’interroge-t-il.
Gilles Clavereul, délégué interministériel à la lutte contre le racisme et l’antisémitisme assène, (et qui lui chipoterait ?) : « Le seul discours antiraciste est le discours républicain ». « Une politique religieuse, même très engagée, ne pose pas de difficulté en soi, à partir du moment où elle ne prétend pas bouleverser l’organisation collective, celle d’une activité sportive ou d’un service de transport public ». Élémentaire, ce me semble, Monsieur le Délégué, et a minima.
Le Dossier de Marianne sur la laïcité se clôt sur un papier de Patrick Kessel, président du Comité Laïcité République, dans lequel il évoque « les errances de l’Observatoire de la laïcité » dont il s’est mis en congé suite aux attaques subies par Élisabeth Badinter pour avoir oser dire qu’il fallait « défendre la laïcité sans avoir peur d’être traité d’islamophobe ».
Trois livraisons éditoriales qu’il faut lire pour douter, chercher, comprendre et éduquer.
Gilles Poulet
Février 2016
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