De la vérité dans les sciences
Notes de lecture.
D’Aurélien BARRAU :
« De la vérité dans les sciences ».
DUNOD éditeur. 11.90€ […ici…]
Aurélien Barrau est à coup sûr un scientifique libre penseur. Édgar Morin, dans sa « Méthode », déclare que le drame du scientifique c’est – citation de mémoire – « de tout savoir de sa discipline et de tout ignorer de ce qui lui est extérieur » ; A. Barrau n’est assurément pas de ces scientifiques là, lui qui remet en cause toute Vérité comme étant imparfaite et transitoire. Ce chercheur du Laboratoire de physique subatomique et de cosmologie du CERN est aussi docteur en philosophie de l’Université Paris-Sorbonne et ça se sent dans sa démarche intellectuelle et la vision du monde qui en découle : « Dans notre espace culturel et intellectuel contemporain souvent dominé par la violence et la radicalité, par les appels séduisants mais tellement insatisfaisants d’un scientisme naïf d’une part et d’un obscurantisme nocif d’autre part, un peu de nuance me semble être plus que jamais indispensable. Résister commence par penser. » (p.89).
A. Barrau convoque le ban et l’arrière ban des philosophes, tant anciens que modernes, mais aussi celui des grands scientifiques passés et présents pour nous mettre en garde contre la fragilité de la notion de vérité : « Dès lors que Dieu n’est plus convoqué dans le débat, il n’existe aucun point de vue parfaitement neutre et objectif du réel. » (p.48). « Les énoncés scientifiques ne sont [pas] des mises en lumière du monde. (…) Ils sont (…) des constructions sous contraintes. » (p.39). Plus loin, (p.50) : « Penser que l’Univers, dans son immensité irreprésentable et sa diversité extrême, fut dessiné pour la seule existence de l’humanité m’apparaît comme sidérant autant que consternant ».
Ainsi, A. Barrau contemple le monde en libre penseur qui dit « Je » et sait s’exonérer des dogmatismes, tant philosophiques ou religieux que scientifiques, et des théories fixées et figées, bouclées à jamais sur elles-mêmes. Il rappelle, (p. 70), les deux théorèmes de Gödel sur l’indécidabilité de tout modèle mathématique suffisamment complexe et celui qui pose qu’une théorie cohérente ne peut établir sa propre cohérence.
En guise de conclusion, je voudrais citer ces quelques lignes qui résument une pensée décidément à la fois hors norme et empreinte d’une grande modestie : « La science est indéfinissable. La vérité est inaccessible. Mais elles partagent, au moins, cette capacité à générer cet état d’être si essentiel et élégant que le poète Fernado Pessoa nomme l’ ‘intranquillité’ ».
Voilà un petit livre, 89 pages ! passionnant et roboratif : qui « fait du bien » à la la pensée comme à l’intellect.
Gilles POULET
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