Note de lecture

3 Août 2016

Les frontières de la laïcité

Frédérique De La Morena

Collection système, Lextenso-éditions. 24€

Frédérique De La Morena nous offre là un livre, où il est question des frontières juridiques de la laïcité, qui va devenir essentiel à tous les militants soucieux de sa défense. L’auteure s’y emploie à identifier ces frontières par rapport au droit et ainsi y constate une forme d’effondrement du principe de laïcité dû, entre autres, aux accommodements divers constatés dans la sphère publique, trop souvent au bénéfice du privé s’exprimant à travers les lobbies religieux.

L’analyse juridique est serrée et les renvois à des décisions judiciaires : Tribunaux administratifs, Instances d’appel ou Cour de Cassation nombreux qui pointent la formation d’un corpus jurisprudentiel paradoxal, voire à la limite incohérent. Démonstration en est fait par De La Morena notamment quand elle analyse les régimes des collectivités d’Outre-Mer, qui traînent encore des dispositions datant de l’ordonnance royale du 28 août 1828 pour la Guyane : « qui ne reconnaît qu’un seul culte, le culte catholique », ou bien encore le statut d’Alsace-Moselle, maintenant le régime concordataire napoléonien, juridiquement identifié comme un « quasi traité international ». Dans le cas d’espèce, c’est au Conseil d’État et au Conseil Constitutionnel qu’elle reproche de produire une jurisprudence s’appuyant sur le constat que « ni la Constitution de 1946 ni celle de 1958 n’évoquent le particularisme du droit local » d’où ils tirent argument pour ne pas trancher : qui ne dit rien consent, semble être leur philosophie.

Cette attitude constante à pour effet de renvoyer le problème au législateur, lequel se dérobe depuis 1918 malgré qu’il a le pouvoir, sinon le devoir, de supprimer le droit local au nom de l’égalité des citoyens et de l’indivisibilité de la République.

En conclusion, citons De La Morena : « Le droit doit être lisible et compréhensible pour être crédible », c’est pourquoi elle appelle le rétablissement par le droit des véritables frontières entre  religieux et politique, entre sacré et profane, entre foi et loi, entre immanence et transcendance. On ne peut que la suivre dans cette démarche.

Addendum. Il y a peu, un camarade de la section du Jura, constatait devant moi le peu d’intérêt du public pour la laïcité, phénomène qu’il attribue au fait du manque de culture laïque des gens, manque qu’il impute à l’idée que la laïcité serait pour eux une évidence établie, et basta ! Aussi sa question était-elle ; que leur faire lire quand ils nous demandent conseil ? Je vous livre ma réponse : Henri Pena Ruiz et Catherine Kinztler pour la philosophie, Eddy Khaldi pour le dispositif juridique et réglementaire, Gérard Delfau pour l’histoire.

J’y ajoute aujourd’hui Frédérique De La Morena pour l’analyse fouillée de la laïcité dans son environnement judiciaire et jurisprudentiel.

Voilà cinq auteurs indispensables à notre armement intellectuel.

Gilles Poulet

1er  août 2016

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