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La Laïcité, ce n’est pas que bouffer du curé

14 Avr 2015

ADLPF La Libre Pensée Laïcité La Laïcité, ce n’est pas que bouffer du curé
La laïcité, ce n’est pas bouffer du curé à tous les repas car, outre que l’exercice est plutôt indigeste, il y a à se pencher le plus sérieusement possible sur l’état des lieux et constater l’ampleur des dégâts. La laïcité, malade de ses insuffisances et de ses excès est une constatation qui ennuie profondément nos pires ennemis internes : les laïcards, les ultras, les intégristes à la noix qui confondent Laïcité et guerres aux religions sans se rendre compte qu’il est temps de combattre tout dogme, fut-il économique, toute séduction perverse, fut-elle télévisuelle et décervelée, toute domination éhontée, fut-elle acquise par les urnes et déléguée pour 5 longues années de reniements et de trahisons.

C’est le combat pour la Laïcité, pour la vérité expurgée des obscurantismes, pour la connaissance scientifique et rationnelle, pour la tolérance éclairée, i.e. réaliste et vigilante, pour pouvoir, en toute lucidité organiser et connaître enfin le fameux « vivre ensemble » auquel s’opposent les tentatives comme les percées du communautarisme arque-boutées sur les succès de l’hypermarché des croyances (le retour du religieux!), la revendication du « droit à la différence » qui ne peut qu’engendrer des différences de droit et donc des lois particulières et non universelles contradictoires de ce que veut la République qui ne connaît que des citoyens et de ce fait leur accorde le droit à l’indifférenciation. Nuance !

L’éthique laïque repose sur la reconnaissance et le respect de l’autre et si elle sait aussi reconnaître ses différences et les respecter au sein du pacte républicain de non agression, elle cultive plus volontiers les ressemblances qui constituent les bases du projet commun républicain d’affranchissement de l’être humain face aux forces d’asservissement toujours promptes à exploiter les divisions. Qui ne sait que les religions, ces systèmes fermés, sont gros de guerres et de violence faite à l’Autre ? De la logique du « Nous et Eux » facteur d’exclusion.

La Laïcité c’est aussi le combat incessant contre toute vérité révélée qu’elle vienne de Rome, de Riad ou de l’école de Chicago; qu’elle soit le discours d’un parti, des « experts », cette plaie moderne aux effets de mouche tsé-tsé ou des « personnes autorisées » dont se moquait Coluche : universitaires, journalistes ou grand tribun, perroquets stipendiés gavés à l’argent frais.

La Laïcité, que certains déclarent obsolète, moribonde ou liberticide parce que ça les arrange, constitue la base des rapports sociaux comme le rappelle l’article-1 de la Constitution :  « La France est une république indivisible, laïque, démocratique et sociale. Elle assure l’égalité devant la loi de tous les citoyens, sans distinction d’origine, de race ou de religion… « .

« La Laïcité est un concept politique dans la plus haute acception du terme : donner aux enfants des hommes le moyen d’être eux-mêmes et de n’être qu’eux-mêmes, sans distinction d’origine sociale. [Leur] apprendre, quelles que soient leur origines, les merveilleuses [et] extraordinaires richesses des patrimoines culturels, des diversités ethniques et par là-même le respect des autres », écrivait Roger Leray. Comment mieux dire que la Laïcité éveille l’intelligence et libère des a priori ?

François Mitterrand : « La Laïcité c’est le refus d’être soumis à la pensée d’autrui, c’est une résistance « . C’est aussi une conquête de la raison contre l’obscurantisme et les fariboles des marchands d’arrières mondes, dont il ne faut pas exclure le paradis libéral, exonéré des contraintes qui entravent sa liberté de saigner les peuples au non de la « concurrence libre et non faussée », dogme parmi les dogmes qu’ils nous ressassent encore et encore avec la main invisible du marché, la transparence (sic) et la confiance qui est là ou pas, qui revient ou vote avec ses pieds (explication hautement rationnelle de la fuite des capitaux vers des cieux luxembourgeois plus propices), la rationalité de l’irrationnel ( la science économique n’est pas une science c’est un casino pour initiés, exclusivement, car « sans aléa, sans incertitude la vie économique s’arrête » – Bernard Maris – dans une tétanie universelle chacun sachant ce que l’autre va faire), conquête humaniste aussi qui entreprend de faire confiance en l’Homme et en sa capacité à trouver les compromis nécessaires à l’élaboration de sociétés vivables et habitables pour le plus grand nombre dans la liberté et la tolérance réciproque.

La Laïcité c’est aussi le fondement de la république. Sans elle, comment combattre le délétère individualiste à l’œuvre dans nos sociétés d’égoïsme assumé et du « tout pour moi, tous pour moi et tout de suite ! »

Comme le dit joliment Jean-Pierre Biot, un ancien instituteur, « Faire vivre la laïcité, c’est déclarer la paix ». J’ajouterais que la Laïcité c’est la Liberté, non seulement de conscience et de pensée, mais aussi une manifestation, en sorte, de l’habeas corpus : nul ne peut être esclave, car ce serait être propriété d’autrui, ni être nié dans son existence corporelle et sa dignité d’individu, car ce serait devenir bétail comme l’a montré la déportation de milliers de femmes et d’hommes par le régime nazi. Aucun homme et aucune femme n’appartient à un autre être humain ni bien sûr à un dieu. Oui ! La Laïcité c’est la Liberté.

Coup d’œil sur la loi du 9 XII 1905 dite de Séparation, fondement de la Laïcité.

Art1 : La République assure la liberté de conscience. Elle garantit le libre exercice des cultes sous les seules restrictions édictées ci-après dans l’intérêt de l’ordre public.

On ne peut mieux dire que ceux qui amalgament la Laïcité aux combat contre les religions commettent un contresens grossier qui n’arrange que les affaires des sectaires et des ignorants. La liberté de conscience est ici réaffirmée et elle ne fait pas bon ménage avec le sectarisme. Chacun dans sa sphère privée est libre de ses options philosophiques et religieuses, ce que nous combattons au nom de la laïcité, c’est le prosélytisme agressif et les demandes de statut spécial. Nous avons chacun le droit de faire de la théologie ou de la combattre par la raison, nous ne pouvons pour autant frapper d’ostracisme les croyants aussi longtemps qu’ils ne troublent pas l’ordre républicain.

« L’État ne s’agenouille pas, ni ne se prosterne et ne se tient pas à l’ordre non plus ». L’État ne fait pas de théologie, pourtant le document Dutheil, du PS, l’y invite au nom d’un retour à un bonapartisme concordataire mâtiné de gallicanisme tandis que le Président Hollande, dans un contresens incroyable à ce niveau, explique que l’état reconnaît toutes les religions ! Monsieur le Président relisez la Constitution dont votre fonction vous a fait le gardien.

Art2 : La République ne reconnaît, ne salarie ni ne subventionne aucun culte.

En conséquence, à partir du 1er janvier qui suivra la promulgation de la présente loi, seront supprimées des budgets de l’État, des départements et des communes, toutes dépenses relatives à l’exercice des cultes.

On en est loin ! Petit à petit, de loi Guermeur en loi Debré, d’accords Lang-Cloupet en loi Carle, de pantalonnades vaticanesques de nos politiques en course aux voix tant désirées pour exister politiquement, la République se voit dépouillée de son principe fondateur par ceux qui devraient le préserver, voit son Trésor et celui de ses Collectivités locales pillés pour le plus grand bien de parasites jamais repus d’argent public pour ouvrir et faire fonctionner des officines de décervelage et de bourrage de crâne.

Pourtant, cet article est absolument nécessaire pour faire fonctionner de manière optimale – comme on dit – le service public de l’Éducation Nationale qui a besoin de tous les moyens de l’État et des Collectivités locales pour mener à bien sa haute mission qui est, comme l’a écrit Jean Rostand «[de] Former les esprits sans les conformer, [de] les enrichir sans les endoctriner, [de] les armer sans les enrôler… ». L’école ouverte à tous est le pilier de la République, c’est en elle que se forgent les consciences, que se libère l’esprit critique, que s’acquièrent des connaissances diverses et variées potentiellement utiles à la vie et à la carrière des futurs adultes : étudiants, chercheurs, acteurs économiques de haute volée ou tout simplement ouvriers. Mais elle n’est pas ce que les vues réductionnistes veulent en faire : une sorte de centre de gavage de savoirs et du savoir, elle est aussi et peut-être même surtout le creuset de la création du citoyen éclairé, le lieu du constant aggiornamento des modernités car l’instruction comme l’éducation des enfants Français réclament attention, méditation, réflexion, analyses, médiation, discernement, intelligence et bienveillance. Où trouver cela si ce n’est auprès d’un service public neutre par définition et attaché au seul progrès de l’enfant ?

 

L’enseignement confessionnel ne peut y pourvoir véritablement incapable qu’il est d’expurger de son enseignement les scories et fantasmes de la religion, ni non plus les écoles privées non confessionnelles créées pour façonner, à la demande, des collaborateurs soumis pour le commerce, la banque ou tout autre métier. Finie l’universalité des savoirs désormais remplacée par l’étroite spécialisation « rentable ».

Henri Pena Ruiz « Toutes les religions s’enracinent dans la peur, dans la misère, dans l’exclusion, dans l’ignorance… ».

La religion libérale ne fait pas exception.

Dieu s’affiche sur le dollar et le capitalisme ne peut exister sans transcendance et prédestination : aux riches déjà riches la possibilité de le devenir toujours plus, aux pauvres celle de s’appauvrir plus encore ; le dieu argent veille au grain. Le capitalisme, religion dominante, dans sa version libérale d’aujourd’hui, a gagné la bataille contre cette autre religion que fut le communisme et qui dura presque un siècle. Dorénavant, elle a installé ses dogmes, qu’il est interdit de contredire, son clergé, ses gourous, ses temples et son dieu ubiquiste, tout puissant et omniscient, le fric, moderne veau d’or, idole vénérée pour laquelle tous les crimes sont envisageables … et envisagés.

Florilège pour la bonne bouche.

Du gourou Summers « Les pays sous-développés d’Afrique sont largement sous-pollués. La qualité de l’air y est d’un niveau inutilement élevé […] Il faut encourager les migrations des industries polluantes vers les pays les moins avancés […] Je pense que la logique économique qui veut que les déchets toxiques soient déversés là où les salaires sont les plus faibles est imparable ».

Du gourou Minc « Je ne sais pas si les marchés pensent juste, mais je sais qu’on ne peut pas penser contre les marchés ».

Du gourou Attali « Les profits créent les emplois » alors que tous les jours on se rend compte que c’est le chômage qui crée les profits !

De Janet Yellen, conseillère économique de Bill Clinton « Une des leçons de la crise est que la confiance basée sur un système opaque peut conduire à de mauvaises décisions », autrement dit : « bandes d’ignares la fameuse transparence n’est que billevesée et c’est bien pour ça que, y croyant, vous vous faites constamment rouler dans la farine ». Notez au passage que cette phrase en écrivant « crise de la foi » et à sa fin « pour nous » conviendrait parfaitement à une analyse des religions en général.

En conclusion. Ce survol des vertus de la Laïcité, mais aussi de celui de ses ennemis déclarés ou tout simplement sournois nous convaincra, je l’espère, que nous avons du pain sur la planche. Défendons bec et ongles notre liberté de conscience, notre liberté de penser, notre liberté de critiquer ceux qui veulent nous chloroformer, nous vendre leurs pitoyables recettes pour une vie soit-disant meilleure, défendons aussi avec pugnacité l’École de la République, la seule école libre qui soit, elle est le premier pas du futur citoyen libre et libéré des Infâmes.

Gilles Poulet

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