Notes de (saine) lecture

3 Juin 2017

ADLPF La Libre Pensée Laïcité Notes de (saine) lecture

L’Horreur religieuse de Joseph MACÉ-SCARON, Plon, nov. 2016.

Le Génie de la laïcité de Caroline FOUREST, Grasset, oct. 2016.

Voilà deux ouvrages qui seront bien utiles aux tenants de la laïcité. Outre qu’ils sont plaisants à lire, parce que bien écrits, ils constituent deux recueils de documents précieux pour une compréhension améliorée du retour du religieux, des chemins de traverse qu’il emprunte et des armes qu’il faut déployer pour s’en préserver.

MACÉ-SCARON dénonce le totalitarisme des religions qui sont des systèmes d’exclusion de l’autre. Qui n’est pas de la chapelle est en dehors et donc susceptible de nuire. Les religions portent en elles le communautarisme qui est la négation de l’universalisme républicain fondé, lui, sur l’approche laïque qui n’exclue jamais personne a priori.

Il s’agit donc de dénoncer le complot des bigots, ces fervents imbéciles qui prônent l’amour de la mort, l’amour de l’apocalypse et la culpabilité de tous érigée en système philosophique et en mode de vie. « Ils assassinent, ils lapident, ils brûlent, ils génocident, ils décapitent, ils poignardent, ils défenestrent, ils crucifient, ils dynamitent. Où ? Partout ».

Devant de tels assauts, sommes-nous à la hauteur ? MACÉ-SCARON ne le pense pas, bien au contraire. Il dénonce, entre autres, les intellectuels qui se sont rendus en rase campagne, via un relativisme ahurissant et trouvent mille excuses aux exactions commises contre la liberté de conscience, cette ennemie du religieux, la liberté de penser et même de blasphémer. Par exemple, Emmanuel TODD, d’habitude mieux éclairé, y est rudement épinglé pour ses délires post-attentat contre Charlie.

Au fil de pages nerveuses et incisives, sont mis à plat tout les renoncements, mais aussi leur genèse. Mais il y a aussi, particulièrement documentées, les perversions sexuelles des religieux des monothéismes, liées à l’horreur de la Femme. « Cachez ce sexe, cachez ce corps, cachez cette femme, ce lumineux objet de désir ».

MACÉ-SCARON conclut que, nous qui ne voulons pas de ces horreurs, sommes tous des apostats. Et fiers de l’être, ajouterai-je.

L’opus de Caroline FOUREST est construit sur un balancement très productif : laïcisation vs sécularisation, laïcité républicaine vs laïcité démocrate, foi vs loi. L’examen de ces oppositions apparentes permettent à C. FOUREST de développer ses thèses et de pointer par exemple cette différence de laïcité entre américaine et européenne : l’une entend libérer les Églises de l’influence de l’État quand l’autre à pour ambition de libérer l’État des influences religieuses. Deux conceptions radicalement opposées qui fondent des approches antagonistes, avec toutes les nuances dont elles sont porteuses.

Au fil de ses développement, elle dénonce les deux erreurs commises par les pouvoirs publics au fil de l’histoire et dont nous subissons encore les conséquences. Le gallicanisme qui avait pour ambition de se protéger des influences par trop délétères du Vatican, mais fut un échec car la seule façon d’y parvenir est la séparation pure et simple. Quant au Concordat, sous couvert de tout contrôler, en fait, il achète la paix religieuse sur les deniers de l’État, sans vraiment y parvenir. À cette occasion est épinglé sans concession un certain « chanoine du Latran », taxé de velléités concordataires.

FOUREST conte la genèse et la bataille pour la loi de séparation du 9 décembre 1905, ses avancées et ses atermoiements. Instructif !

L’école laïque, définie comme un des piliers de la République, est également examinée avec soin, et dénoncées les innombrables lois de dépeçage, à commencer par le loi DEBRÉ, vue comme le début d’un « concordat scolaire ». Malgré la marche du 16 janvier 1994 contre les tentatives éhontées de François BAYROU, alors ministre de l’Éducation Nationale de BALLADUR, qui fut une véritable marée humaine, le détricotage continue : accords LANG-CLOUPET, loi CARLE etc. en sont les vivants exemples.

FOUREST identifie un nuancier de cinq familles d’interprétation de lecture de la notion de laïcité dont seule la première est fidèle à la loi de séparation : les laïques, les gallicans, les accommodants, les concordataires, les identitaires. Quelle est la pire des quatre dernières ? Il ne semble pas que l’auteure ait voulu les hiérarchiser, car aucune n’est acceptable et toutes représentent de vraies reculades.

Pour clore son livre, Caroline FOUREST propose sa vision d’une véritable politique laïque. Elle examine tour à tour la surenchère des politiques en direction de nos compatriotes musulmans, l’équilibre démocratique des sphères de laïcité, le voile et l’université, l’abrogation nécessaire de la loi DEBRÉ et de la suite de lois sur l’école pour la sauver etc. etc., dont le clientélisme dangereux des élus locaux, porteur de tous les renoncements et de tous les contournements de la loi de séparation.

À la toute fin, l’ouvrage refermé, une maturation de cette fourmillante thèse laïque commence et bien des points, jusqu’ici obscurs pour qui n’est pas rompu à ce combat vital pour préserver notre mode de vie laïque, peu à peu font sens.

Gilles POULET

juin 2017

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