Le père Noël est passé à Lyon pour les laïques…

6 Jan 2012

ADLPF La Libre Pensée Laïcité Le père Noël est passé à Lyon pour les laïques…

Comme à l’accoutumée les religions savent tendre la sébile auprès d’élus de la République généreux avec l’argent public.

Le maire de Lyon en a fait une des marques de sa politique au nom d’un « nouvel humanisme » qui s’appuierait sur les religions. Aussi le conseil municipal décida le 8 juin 2009 l’attribution d’une subvention de 48 000 € au profit de la Fondation du Protestantisme pour l’organisation à Lyon de la 13e assemblée générale de la Conférence des Églises Européennes prévu du 15 au 21 juillet 2009. Il y avait urgence à voter d’où un passage en force et dans la plus grande discrétion. Pour masquer ce mauvais coup le maire fit procéder à un vote groupé de  plusieurs délibérations. Cette grosse astuce n’échappa pas  au correspondant de Libé-Lyon qui titra « Lyon subventionne sans débat la Fondation de Pierre Joxe ». Ce vote s’illustra par une grande pantalonnade de la part de certains élus dits de gauche se partageant entre l’abstention, le refus de vote ou la sortie pendant le vote …

L’assemblée départementale sous la houlette du démocrate chrétien Michel Mercier en fit de même pour 50 000 €.

Seule la Région s’illustra par un vote négatif « oh grand dam » de son vice-Président socialiste.

Au total la fondation reçut  une aide substantielle  de 98 000 € pour financer sa « grand messe » de sept  jours dans une République qui clame haut et fort son attachement à la séparation des églises et de l’Etat.

Les vacances estivales étant toutes proches il fallut organiser la riposte. Difficile de mobiliser les associations laïques d’autant plus que les délais de contestation sont courts : deux mois. A cette époque membre de la Libre Pensée du Rhône je propose à Pierre Girod de déposer des recours à titre individuel. Il le fit contre le département, je le fis  contre  la ville.

La « grand-messe » eut lieu à grands renforts de médias. Allocution de Pierre Joxe, présences  de Michèle Alliot-Marie alors Ministre de l’Intérieur  et de nombreux élus de la République dont ses généreux mécènes G.Collomb et M.Mercier. L’ouverture se fit par un temps de prière à l’église Ste Bonnaventure. Ce théologien symbolisant la tentative de réconciliation entre l’Orient et l’Occident chrétien lors du Concile de Lyon de 1274. Le Progrès de Lyon du 21 Juillet 2009 titrait : « Eglises chrétiennes : l’espoir d’unité ravivé à Lyon ».Un lecteur avisé devinait que les susceptibilités entre les communautés religieuses chrétiennes n’étaient pas encore du domaine de l’histoire.

L’encombrement des tribunaux administratifs fit que nos recours ne furent pas jugés avant le 10 novembre 2011. C’est accompagné d’un ami, également membre de l’ADLPF, que je me présentais au tribunal. Pierre Girod indisponible ce jour là ne fut pas présent. Le rapporteur de la Loi fut le premier à s’exprimer. Il apparut que rapidement son objectif était de rejeter nos recours. Ses arguments s’appuyaient sur la dernière jurisprudence du Conseil d’Etat qu’il qualifiait de plus libérale, plus douce. Il s’efforça de démontrer que la Fondation du Protestantisme n’était pas cultuelle et que la Conférence des Eglises n’était pas cultuelle allant jusqu’à un décompte du temps passé à des messes rapporté à l’ensemble des journées. S’appuyant sur une définition jurisprudentielle fiscale du culte comme étant « la célébration de cérémonies, de certains rites ou de certaines pratiques » il écartait la violation de la loi de 1905. Et cerise sur le gâteau il invoqua l’intérêt communal par les retombées touristique et médiatique. Son intervention dura environ quinze minutes et difficile à entendre. Le Président tourna son regard vers moi et me demanda si j’avais des observations à formuler devant le tribunal. A ma grande surprise je m’entendis répondre par l’affirmative. Il m’invite, alors,  à la barre pour faire part de mes objections. J’explique en quoi la Fondation est à but cultuel dès lors qu’elle a pour objectif les œuvres protestantes, que la conférence avait porté sur de nombreux thèmes intéressant la vie de l’église protestante dans ses rapports avec le monde et avec les autres religions. Que le culte ne se définissait pas simplement à des pratiques rituelles. Et qu’en ma qualité de citoyen je veillais à ce que l’argent public aille au service public, à l’intérêt général. Je concluais en affirmant que la loi de 1905 était claire, nette et précise quant à son application et qu’il n’y avait pas besoin de l’interpréter. Je rejoignis ma place. Le Président s’adressa à l’avocat de la Ville qui se leva pour dire qu’il n’était pas d’accord avec ce que je venais d’exprimer et qu’il s’en remettait aux conclusions du rapporteur de la Loi. Le Président nous annonça que sa décision était mise en délibéré.

Je sortis accompagné de cet ami qui était comme moi outré par ce qu’il venait de vivre. Nous étions animés par un sentiment partagé d’injustice comme si un nouvel acte grave contre la République se préparait sous nos yeux impuissants. Je n’avais pas prêté attention à un journaliste qui nous avait rejoint. Il voulait connaître mon identité pour un article à paraître dans « Le Progrès ». J’étais sous le choc de l’événement et mon accompagnateur précisa que nous étions membres de l’ADLPF « cercle Maurice Allard ». Cet article parut dès le lendemain et il évoqua le recours de deux membres de l’ADPLF. Il y avait eu confusion dans l’esprit du journaliste : l’ami qui m’accompagnait était forcément le deuxième requérant. Sous le coup de l’événement nous n’avons pas pensé à écrire pour un rectificatif. Et à quoi bon pour une cause qui s’annonçait perdue d’avance exiger une quelconque mise au point, à donner une nouvelle image de division du camp laïque ?

La décision fut prononcée le 20 décembre 2011 et à notre grande surprise le Tribunal administratif de Lyon annulait les délibérations. Dans ses conclusions il n’allait pas par quatre chemins. Il constata que la Fondation du protestantisme était à but cultuel que la Conférence était également cultuelle. L’arrêt est court et cinglant. Les collectivités locales ont violé la loi de 1905. C’est inattendu et Le Progrès d’écrire « les membres  de l’ADLPF les lyonnais Jean Petrilli et Pierre Girod ont eu droit cette année à leur petit noël ». Le quiproquo est ainsi conforté mais après tout ce qui compte c’est la bonne nouvelle pour le camp laïque !

C’est une grande victoire pour les laïques dans une ville où le Maire se targue de pratiquer une politique de dialogue avec les communautés religieuses. Il nous faut malgré tout rester prudent. Les collectivités sanctionnées ont deux mois pour faire un recours devant la Cour administrative d’Appel.

Cependant nous avons de nombreuses raisons d’espérer. Les juges ont démontré leur indépendance et leur souci de conforter la laïcité. Les attendus du jugement laisse à penser qu’il sera difficile de trouver des arguments probants permettant sa contestation à l’échelon supérieur.

Il n’y a pas de combat perdu d’avance. N’oublions pas  « celui qui se bat peut perdre, celui qui ne se bat pas a déjà perdu »…

Jean PETRILLI

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5 Commentaires

  1. Hiram

    Félicitations pour ce combat gagné, pour avoir « donner le plus grand développement possible au principe lumineux de la Raison »… et « faire servir votre
    travail à éclairer le peuple, à l’instruire… ». « La vie des véritables grands hommes a toujours été un lon et noble apostolat en faveur des masses populaires et des
    humbles ». Ne nous résignons pas, persévérons !

  2. mtiness

    Tiens, enfin une raison de dire « Bonne Année » ! Messieurs… chapeau bas !

  3. Fornari paul

    Bravo à cette bonne nouvelle

    Il est anormal que des élus locaux, ne font pas leurs devoir de défendre la loi de 1905; mais bien sûr on pense que les bigots ça vote

    Il est même pire, le maire de Lyon étant un humaniste, n’aurait pas  dû jouer à cette malice de vote pour ce don à des religieux; encore un pensant à un autre mandat que défendre la laïcité
    , la paye est plus importante que la morale humaniste.

    Une question, la mairie de Lyon a fait appel à ce jugement?

    Fraternellement

    Paul Fornari

  4. Didier CROS

    Merci pour ce joli cadeau de noël qui vient couronner une année d’actions bien remplie.

    2012 s’ouvre donc sur une belle note et nous aurons plaisir à nous rassembler d’ici quelques mois sur ces terres ambiguës du lyonnais, enfin éclairées par une libre pensée juste et vigilante.

     

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