Les pieds dans la robe safran
C’est une bien exemplaire aventure qui est advenue à Manuel Valls, ministre de l’Intérieur en charge de Cultes. Lors de la grande fête bouddhiste du Vesak qui commémore le bouddha Sakyamouni, à la pagode de Vincennes, le ministre s’est fendu d’un discours plutôt convenu sur « cette fête de l’harmonie », ajoutant, selon le Nouvel Observateur, « L’apaisement et l’harmonie, je les cherche moi aussi en permanence ». Protocole oblige, il écoute ensuite le sermon sur la sagesse prononcé par le vénérable thaïlandais Luang Pu Nenkham Chattigo, un « maître de la Lignée des Moines de la Forêt ».
Bon ! me direz-vous, et alors ? Et bien, là où l’affaire devient croquignolette, c’est que le dit moine qui sermonne notre super flic est un criminel avéré recherché par son pays, la Thaïlande. Le N. Obs. nous apprend que cet adepte, du moins théorique, de la pauvreté, est couvert d’or. Il n’a pas moins de 70 voitures de luxe, se déplace en jet privé, aurait détourné 25 millions d’euros à ses fidèles et, last but not least, il est accusé de viol sur mineure et de trafic de drogue. Mais que font les ex renseignements généraux ? Ils auraient peut-être pu éclairer leur patron.
Il y a une morale à cette histoire. Que le ministre de l’Intérieur en charge des Cultes ait des contacts avec les religions et leurs représentants ne saurait effrayer un laïque conséquent comme votre serviteur, après tout, c’est son boulot. Je ne souscris toutefois pas à cette manie qu’ont les locataires de Beauvau de se précipiter sans complexe aux cérémonies religieuses comme l’alouette sur le miroir. Des rencontres au Ministère ou même, par courtoisie, dans les locaux de tel ou tel en dehors de toute célébration religieuse seraient amplement suffisantes et, qui dira le contraire après une telle mésaventure, bien moins dangereuses pour l’image tant du ministre que de la République qu’il représente, qu’on le veuille ou non. Heureusement, le ridicule ne tue plus.
En second lieu la preuve par l’absurde vient ici du danger toujours possible d’être mis en présence de purs escrocs. Le fait de porter une robe safran, un froc, une soutane ou quelque déguisement cher aux « hommes de dieu » que ce soit, n’apporte pas la certitude qu’on ait en face de soi un honnête homme voire même un authentique croyant. L’habit ne fait pas le moine, dit la sagesse populaire, Valls serait bien inspiré de s’en souvenir comme de se souvenir qu’il est ministre d’une République laïque qui lui interdit, en principe, les compromissions de ce genre. À l’heure où les médias bruissent de rumeurs sur les mœurs parfois délétères d’ecclésiastiques de tout rang, sur les prises de positions souvent dignes du dernier barbare de certains imams etc., revenir aux pratiques républicaines serait la sagesse même. Marianne m’entende !
Gilles Poulet
2 aout 2013
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