Contre les pilleurs de mots

2 Déc 2015

Albert Camus : « Mal nommer un objet, c’est ajouter au malheur du monde ».

Marc Bloch : « […] il n’est pas pire pédagogie, de pire danger que d’enseigner des mots au lieu des choses ».

Sentence maçonnique : « Vous ne prendrez pas les mots pour les idées ».

La méthode n’est pas nouvelle. De tous temps les mots ont subi des tripatouillages dans le but bien souvent de les retourner, au sens plein du terme. C’est ainsi que l’école libre serait l’école confessionnelle ; la liberté aurait été le principal souci des organisateurs de la Shoah – Arbeit macht frei  – et que le Front National serait l’unique défenseur du drapeau républicain !

Bien nommer, bien enseigner et ne pas prendre les mots pour les idées, c’est écarter les impostures et les petites escroqueries sémantiques au jour le jour, c’est être debout et lucide face à toutes les tentatives de dévoiements dont on nous éreinte.

La tâche est ardue. C’est ainsi que surfer sur la toile nous fait découvrir, par exemple, un site hardiment dénommé « librepenseur » et tenu par un certain Salim Laïbi, salué par Agoravox en tant que « clown de l’année ». Vous pourrez y trouver toutes les thèses négationnistes : exploitation de l’inépuisable Protocole des sages de Sion, daube sur la Franc-maçonnerie et sur le Talmud (le fameux complot judéo-maçonnique, l’inépuisable lubie des crétins), suspicion sur l’affaire des Twin Towers etc.

Petit aperçu pioché à la source : « La sodometgomorrhisation de la société est comme un tsunami qui vient et dont on ne mesure pas l’ampleur. Le plaisir sexuel est devenu un culte, comme les israélites au temps de Jéroboam vouaient un culte au dieu Baal (en plus de vouer un culte au Veau d’or, ces deux cultes constituant les deux faces d’une même médaille pourrie…) ».

Le Front National, quant à lui, pervertit tout ce qu’il touche : à l’entendre il est l’Amoureux de la Liberté, de la Nation, du Peuple etc. Qu’on veuille bien regarder le fond de son programme, qu’on veuille bien observer ce qu’il fait là où il est aux affaires et l’on verra les exploits de Ménard à Béziers, entre autres, on y observera la haine de cette formation pour ce qui est culturel (concession au point Godwin : « quand j’entends le mot culture, je sors mon revolver » Goebbels), sans oublier le racisme inscrit dans le patrimoine génétique du Front.

 

Les cléricaux quant à eux, qui rêvent maintenant sans fard de néo Concordat, réclament à cors et à cris la liberté de penser… comme eux. Lors d’une table ronde, organisée l’an dernier dans le Jura, où étaient conviés un représentant de l’Évêché, un imam, une pasteur, un judaïsant, un franc-maçon et un athée lambda, comme il se plaisait à le dire lui-même, nous avions choisi pour thème la « liberté de conscience et la religion ». Autant les religieux, rompus au discours sur la laïcité, sont diserts sur ce sujet, autant la liberté de conscience leur a posé problème car elle est antinomique du dogme qui est, lui, ferme et contraint. Les voir se tortiller fut un délice. Apparemment, ils n’ont pas encore trouvé la combine pour dévoyer ce droit absolu dont disposent tous les hommes qui veulent bien l’exercer…

On ne dira jamais assez combien les pilleurs de mots sont un danger pour qui ne s’avise pas de leurs mauvaises façons et de leur cautèle.

Gilles POULET

2/12/2015

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2 Commentaires

  1. François Ledru

    ah la laïcité des maires-à-crèche, on connait, « mort aux musulmans » ! Et à l’opposé, mais est-il tant à l’opposé tant il y a synergie, Mr Tévanian dit Les mots sont importants, on dirait bien oui, mais il veut dire, d’autorité, que les laïques, successeurs d’Emile Combes, sont des racistes ! Et ne croyez pas qu’il parle des fachos, qu’il zappe, les salauds c’est nous… Tant le voile à l’école pour les fillettes ce serait bien. Quant au site bidon librepenseur, je me demande si c’est pour m’emm.. moi, donc le seul c’est http://www.le-libre-penseur.org, c’est Ledru, que les curés ont jadis voulu convertir au péché de pensée, plein d’interdits, à coup de pompes aux semelles trop larges ! (les curés de jadis avaient tous des godasses aux semelles bien trop larges, fabriquant imposé par la clique, pas con, ou peur d’enfoncer dans le sable mouvant de leurs idées ?) Ledru

  2. Roland

    Bien vu et bien dit sur ces vieilles ficelles que l’on nous ressert régulièrement.

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