Fanatisme au féminin

1 Déc 2015

Hélas, non ! C’est raté ! On a cru un moment que la fameuse cousine avait laissé son nom dans l’histoire comme première femme kamikaze en Occident, un titre de gloire comme un autre. Mais non : c’est encore un mec qui lui a soufflé la médaille. Cela fait que mon propos perd une partie de son sens, j’en conviens. Néanmoins, quelques réflexions restent d’actualité.

Quoi qu’on en dise, le fanatisme au féminin n’a rien de nouveau ni d’extraordinaire. Le fait de braver la mort au nom d’une certitude absolue n’est pas une spécificité masculine. Notre histoire contemporaine en fournit de nombreux exemples. Sous des aspects bien différents, on pense à Magda Göbbels, qui se suicida après avoir tué ses six enfants, ou aux femmes de la secte Guyana, qui burent et donnèrent elles-mêmes à leurs enfants le jus d’orange létal. Toutes celles-là étaient des vaincues, comme la cousine de Saint-Denis. Mais, même à celles dont l’action a été finalement couronnée par la victoire, comme les résistantes, il a fallu une bonne dose de cette énergie particulière, qu’on appelle aussi foi ou conviction, pour braver la mort, la torture et la peur. Je parle de la peur et la grande différence est sans doute là : les vrais fanatiques n’ont pas peur et ne doutent pas, surtout s’ils consomment de ces philtres qui donnent le sentiment de toute-puissance. En remontant à peine plus loin, et quelle que soit mon affection pour elle, il y a du fanatisme chez une femme comme Louise Michel. Elle a un côté kamikaze et elle le dit. Ce n’est pas pour rien qu’on l’a appelée la vierge rouge, comme on aurait pu aussi l’appeler la veuve noire, après la Semaine Sanglante et la mort de Théophile Ferré.

Et c’est là qu’on retrouve notre cousine, ô surprise ! car le fanatisme est une grande famille. On a dit qu’elle était passée en quelques mois du jean au voile intégral : cela nous rappelle tous les processus d’embrigadement sectaire. Mais ce qui est très frappant dans son cas, comme on l’entend sur la vidéo, c’est qu’elle n’est pas morte en criant « Allah wakbar ! », comme tout le monde, mais que ses dernières paroles ont été :

« Ce n’est pas mon copain. »

Que voulait-elle dire ? Je n’en sais rien. Je m’étonne seulement que cette femme fanatisée, au moment de mourir, ait eu cette parole relative à sa vie intime. On n’imagine pas, sauf dans Charlie, un barbu, au moment de s’auto-dynamiter, crier à la cantonade :

« A moi les soixante-dix vierges ! »

Il y a bien des années, j’ai eu entre les mains un vieux calendrier espagnol catholique : parmi les saints, les hommes étaient martyrs, mais les femmes étaient vierges et martyres. Les héros ont un sexe, les héroïnes n’en ont pas ou n’en ont plus. Nous en savons quelque chose avec Jeanne, notre pucelle nationale. On sait qu’il existe un lien étroit entre fanatisme religieux et oppression sexuelle. C’est surtout vrai pour les femmes. Les hommes, eux, peuvent parfois s’arranger avec leur dieu, qui est plutôt masculin dans les religions monothéistes : entre mecs, on se comprend.

J’en viens à une analyse toute personnelle : à mon sens, il existe un lien entre le terrorisme islamique et la structure traditionnelle de la famille musulmane. D’après ce que j’ai pu observer moi-même, ces familles pratiquent souvent une distribution traditionnelle des rôles, qui fait que les petits mecs ont tous les droits et bénéficient d’une large indulgence. Quoi qu’ils fassent et quoi qu’elles en pensent, leurs proches parentes les couvrent, les défendent, réparent leurs sottises, travaillent au besoin pour payer les avocats. Comme dans la vieille Corse, il est hors de question de dénoncer un frère ou un cousin : l’Omerta règne. Leur éducation, bien moins sévère que celle des filles, a tendance à maintenir ces futurs hommes dans l’immaturité et le conformisme communautaire. Les grands frères sont des modèles, plus parfois que les pères eux-mêmes. Comme au mois de janvier, on retrouve dans les événements de ces jours derniers des fratries combattantes. Les auteurs des attentats de Paris me font penser à des enfants monstrueux qui jouent à « pan-pan t’es mort », mais avec des moyens d’adultes. Et comme de coutume, les femmes qui gravitent autour de ces héros portent la marque de la soumission patriarcale. L’affreux couple formé par le patriarcat et la religion est l’un des plus prolifiques qui soit.

Pauvre cousine ! Je la plains quand même. C’est déjà bête de mourir pour un homme, encore plus pour un dieu, et encore plus pour un homme qui ne vous a même pas donné de plaisir et un dieu qui vous l’a interdit.

Sophie TORDJMAN

26 novembre 2015

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