Patte blanche au Vatican

19 Fév 2009

Et si Dieu n’aimait pas les Noirs ?

par Serge Bilé

et Audifac Ignace

(Pascal Galodé éditeurs)

QUINZE euros la messe, cinquante la passe. La vie est dure pour les reli­gieux et religieuses venus d’Afrique poursuivre des études de théologie à Rome ou y ser­vir la papauté. Nombre d’entre eux, envoyés au Vatican par leur évêque afin d’étudier, at­tendent en vain la bourse pro­mise. Pour survivre, ils doivent multiplier les messes, payées entre 15 et 50 euros la séance, au détriment de leurs études. Sans diplôme après la durée normale de leurs recherches, ils se voient retirer leur titre de séjour par le Vatican, et se retrouvent sans papiers dans Rome. Certains sont clochards. D’autres survivent en donnant des messes privées aux impo­tents des familles aisées.

Pour les religieuses, c’est pire. Racolées en Afrique par des congrégations vieillis­santes, elles débarquent à Fiumicino pour faire la boniche dans les maisons de retraite et les établissements gérés par la très sainte Eglise. Leur seul sa­laire se limitant au gîte et au couvert (la bourse promise au départ n’était, également, que fictive), nombre d’entre elles louent leurs charmes pour sur­vivre ou envoyer de l’argent au village. Elles seraient, à en croire les auteurs, plusieurs di­zaines à proposer la botte, avec pour principaux clients en Ita­lie les « padri » de l’Eglise.

Ce sort réservé aux ecclé­siastiques de la « diversité » ré­sume assez bien les haut-le-cœur que les Noirs inspirent parfois aux dignitaires de l’Eglise. Quand le cardinal bé­ninois Gantin est arrivé à Rome, en 1971, il ne s’est trouvé personne pour venir l’ac­cueillir à l’aéroport, ce qui ré­volta Paul VI en personne. Chaque nuit, ce proche colla­borateur du pape recevait des coups de fil anonymes le trai­tant de « saleté africaine ». Sept ans plus tard, il était cité parmi les «papabili ». Mais sa candi­dature fit long feu. La fumée blanche s’éleva pour l’éphémère Jean-Paul Ier. Il n’aurait pour­tant pas été le premier black à s’asseoir sur le trône d’évêque de Rome. Trois Africains ou Noirs l’ont précédé dans les pre­miers siècles de la chrétienté, mais l’iconographie religieuse les représente en Blancs. Blan­chi également sur les tableaux officiels, saint Maurice, le pa­tron noir du Valais.

C’est que les nègres ont mau­vaise réputation : aux yeux des Monsignori, ils copulent comme des lapins. Pie XII, qui, pour­tant, publia quelques écrits an­tiracistes, demanda même aux troupes alliées qui s’apprê­taient à libérer Rome qu’elles n’introduisent pas un seul mi­litaire « de couleur » dans la Ville éternelle afin d’éviter les viols. L’état-major refusa sè­chement. Et lorsque, quelques décennies plus tard, des tenta­tives d’assassinat furent per­pétrées contre des religieux noirs, y compris le plus proche collaborateur de Jean-Paul II – un évêque zaïrois -, laissé pour mort dans la résidence d’été de Castel Gandolfo, les en­quêtes policières furent promp-tement étouffées. Mais au moins les religieux noirs ont une consolation : certains de leurs sacrés collègues détestent encore plus les Juifs.

Alain Guédé, paru dans : Le Canard enchainé- 18/02/2009

Sous-titre : « Enquête sur le racisme aujourd’hui au Vatican ». 120 p., 15 €.

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