François collabo ?

21 Mar 2013

François collabo ?

A peine élu, le nouveau pape est déjà dans la tourmente. A-t’il, oui on non, collaboré avec la dictature militaire ayant sévi de 1967 à 1983 ? Dictature qui s’est rendue coupable d’atteinte aux droits de l’Homme : tortures, suppressions de la liberté de la presse, crimes dont 30 000 morts ou disparus.

A l’époque, il dirigeait l’Ordre des jésuites, ce qui n’est pas rien, surtout dans un pays où le catholicisme est très fort, plus des trois-quart des Argentins sont catholiques. L’église a aussi une forte influence grâce à ses nombreuses organisations et associations. Elle pèse de tout son poids dans l’existence quotidienne et dans les axes de la vie nationale. Elle est très liée aux classes dirigeantes. A l’époque, rempart contre le communisme athée et la lutte des classes, elle lui donne une audience inégalée. Elle a une influence politique qui joue le plus souvent en faveur des causes conservatrices, voire réactionnaires. En Argentine, elle est un élément de légitimation pour la dictature (1). Tout ceci pour dire qu’en ce pays une dictature ne peut pas légitimement gouverner sans l’église.

 

Certains soupçonnent le pape d’être impliqué dans l’enlèvement de deux missionnaires jésuites, Orlando Yorio et Francisco Jalics, emprisonnés le 23 mars 1976, torturés puis emprisonnés durant cinq mois. Le pape nie ses accusations, les deux prêtres avaient pris fait et cause pour l’opposition à la dictature et François les avaient exclus au nom de la neutralité politique de la Compagnie de Jésus. Tout d’abord, quand on prétend faire partie d’une église ultra-morale, luttant auprès des plus faibles et pour la paix et la justice, comment peut-on rester « neutre » face à une dictature qui commet des crimes contre l’humanité ? En 2007, le prêtre aumônier de la police, Cristian von Vernich, reste le premier religieux à être condamné à la prison à perpétuité. Il a été reconnu coupable de complicité dans sept meurtres, 31 cas de tortures et 42 enlèvements dans la province de Buenos Aires. Lui, ne fut pas inquiété par l’église, il ne fut pas exclu. C’est ça la neutralité de l’église ?

Quand la dictature fut supprimée, la conférence épiscopale a demandé publiquement pardon pour ne pas s’être plus engagée en faveur du respect des droits de l’Homme. Ca ne mange pas de pain et ce n’est pas la première fois que l’église demande pardon pour des crimes, qu’elle aurait laissée faire, à l’issue de son plein gré… Pas mal pour une Institution qui se veut infaillible et dans la vérité absolue…

Le Vatican, prend bien sûr la défense de François le pape normal près des pauvres. Il s’agit d’accusations « calomnieuses et diffamatoires » orchestrée par la gauche anticléricale (ciel, un complot !). Pourtant, la dictature a justifié ses exactions criminelles comme une défense des valeurs chrétiennes. Deux mois après le coup d’Etat de mars 1967, les évêques argentins publient une lettre pastorale dans laquelle ils précisent leur position (qui n’a rien de neutre ce qui serait déjà un crime puisqu’il s’agit d’une dictature criminelle). En effet, celle-ci consiste à justifier le coup d’Etat dans toutes ses implications : « L’Etat ne peut remplir sa mission s’il reste simple spectateur de l’injustice, du chaos et de l’immoralité sous toutes ses formes. L’Etat ne doit pas renoncer à son devoir d’exercer l’autorité légitime et nécessaire (un coup d’Etat serait-il donc légitime ?), y compris de manière coercitive… Le bien des individus doit être assujetti au bien commun… Le bien commun et les droits de l’homme sont permanents et inaliénables… Mais la façon de les vivre varie selon les lieux et les conditions historiques dans lesquels ils sont mis en œuvre. C’est particulièrement le cas dans les situations de crise, comme celle que nous vivons actuellement en Argentine (…). Dans ces conditions, nous ne pouvons raisonnablement pas prétendre à la satisfaction du bien commun ni au plein exercice des droits des individus comme cela peut être le cas durant les périodes d’abondance et de paix ».

Malgré le fait que la violence soit le fait d’un Etat illégitime, l’Eglise continuera à soutenir le régime malgré la répression et les condamnations de pays étrangers. En 1981 (deux ans avant la fin de la dictature), l’épiscopat argentin déclare à La Nacion « Le pays sait que la subversion… a été vaincue. Avec tout le peuple argentin, nous nous réjouissons qu’ait été ainsi éliminé un type d’action qui n’est pas parvenu à séduire nos travailleurs et leurs organisations ».

Décidemment, entre les militaires fascistes et l’église il s’agissait bien d’une histoire d’amour ! Avec l’avènement de la démocratie, l’épiscopat argentin continuera à démontrer sa « neutralité » politique en fustigeant la licence des mœurs et l’éventuel rétablissement du divorce ce qui démontre sa conscience toujours conservatrice et anti-démocratique qui ne s’est jamais démentie. Le gouvernement sera obligé de batailler contre l’église pour permettre des évolutions de société. Actuellement, l’avortement est toujours interdit du fait de l’opposition de l’Eglise. Les crimes, les meurtres des « gauchistes » ? L’église dit « oui ». Par contre, l’avortement reste un crime pour les défenseurs de la vie qui bénissaient les militaires entre deux exécutions…

Régis Boussières

« L’introuvable démocratie autoritaire : les dictatures du Cône sud : Uruguay, Chili, Argentine», Jean-Marc Coicaud, éditions L’Harmattan.

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