Terrorisme intellectuel

14 Juil 2014

Il est un terrorisme dont on parle peu car il est dans sa nature de se protéger et de se camoufler avec des airs doucereux d’innocence : le terrorisme intellectuel (TI pour nous dorénavant).

En quoi consiste-t-il ? Qui et que vise-t-il ? Quels sont ses moyens ?

Le TI est l’adversaire de toute approche nuancée quels que soient le sujet ou le problème abordés, il est l’adversaire radical du relativisme d’ailleurs condamné explicitement par le pape Benoît XVI, ce qui ne peut nous étonner, l’Église étant une pratiquante inspirée du TI depuis toujours.

Qui vise-t-il ? Toute personne ou association de personnes pour qui le libre examen est comme une seconde nature ou un impératif absolu. En font notamment partie les libres penseurs et les adeptes de la liberté absolue de conscience, tous gens fort dangereux.

Que vise-t-il ? Eh bien toute pensée non asservie à des schémas ou à des dogmes que la pensée «politiquement correcte» entend imposer, ou encore toute pensée en délicatesse avec les canons d’une religion quelconque.

Ses moyens sont mieux connus qu’il ne l’est lui même bien qu’ils soient fort complexes et sophistiqués. Ils vont de l’intimidation, y compris violente (cf. les caricatures de Mahomet), à la campagne de dénigrement et/ou à la falsification des faits ou de la pensée, le tout appuyé sur des médias le plus souvent complaisants, pressés de «sortir l’info» sans recul ni réflexion et désespérément tombés dans ce qu’on ne peut qu’appeler une forme de paresse intellectuelle qui laisse songeur… La caricature en est la TV News qui mouline 24h/24 les mêmes faits (ah l’idolâtrie du factuel!) livrés «bruts de décoffrage» ou alors commentés de façon très orientée en fonction des intérêts et opinions des propriétaires de la chaîne. De là, l’intelligence s’est retirée, comme Achille sous sa tente.

Le TI est une fermeture radicale, un refus du contradictoire, un refus de la réalité parfois. Tenter l’expérience de critiquer telle attitude de l’État d’Israël sur la colonisation en Palestine, par exemple, c’est se voir à coup sûr traiter d’antisémitisme. S’étonner voire s’insurger devant la nullité, le crétinisme et la violence des «fous de dieu» (c’est eux-mêmes qui s’appellent comme ça!) de tout poil et de toute religion fait de vous un islamophobe, un antisémite (encore!) ou un christianophobe, charmante dernière construction, construites sur le modèle des phobies qui sont des pathologies mentales! Il y aurait beaucoup à dire, soit dit en passant, sur ces nouvelles phobies qui pointent au passage, montrant que la guerre sémantique est dans l’arsenal du TI, et pas à sa marge ! Ludwig Wittgenstein pointait déjà en son temps cette erreur classique : «  essayer derrière le substantif de trouver la substance ».

Allons plus loin. Développer une certaine réticence à applaudir la construction européenne depuis que la fièvre ultra-libérale s’en est emparée vous fera taxer, pour le moins, d’eurosceptique – ce qui à la limite pourrait se défendre – mais qui explicitement est dénoncé comme populisme. Ah! le populisme, quel pied pour les biens pensants ! Il vous dénie toute capacité ou envie de projeter ou de rêver une autre Europe différente de celle qu’on veut vous vendre à tout prix et surtout hélas à coût humain ruineux. Escroquerie habituelle du TI qui, fidèle à sa stratégie, enjambe distraitement et avec désinvolture toute différence, toute nuance entre le populisme de droite fondé sur l’ethos (l’ethnie) et donc raciste et xénophobe et celui, de gauche, fondé sur le démos (le peuple) qui s’en prend aux élites profiteuses, aux accapareurs et plus généralement à tous ceux qui exerce un pouvoir sans jamais être passés par les urnes. (Cf. l’article de Gérard Mauger, in Le Monde Diplomatique, juillet 2014 ….ici….) Qu’à cela ne tienne : le populisme, voilà l’ennemi !

On le voit, ce déploiement souvent violent et en tout cas entaché de mauvaise foi est une barrière à toute réflexion, à tout examen, à toute nuance et à tout confrontation contradictoire. Et pourtant… n’y aurait-il rien à dire sur la violence de l’État d’Israël ou sur celle du Hamas ? Sur les groupes sectaires assassins de quelque obédience qu’ils relèvent ou des dégâts et désastres engendrés par l’ultra-libéralisme ambiant à l’œuvre dans nos contrées ? Je ne le pense pas et proclame au contraire le droit inaliénable à l’esprit critique et à la liberté de l’exercer en tout temps et tout lieu, d’en tirer écrits et d’en débattre librement comme le veut le droit à la liberté d’expression inscrite dans notre Constitution.

Je vous invite à en faire de même.

Gilles Poulet

Juillet 2014

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1 Commentaire

  1. Shounkpe

    Bonjour, ce que vous appelez, par gentillesse, la paresse intellectuelle des médias, par exemple en ce qui concerne Israel, Noam Chomsky le nomme, la "Fabrication du consentement", ou comment une classe au pouvoir (médias inclus) propage l’idéologie dominante (sans forcément s’en rendre compte, mais ayant été élevé dans ce sens)!

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