Interview du président de l’ADLPF

10 Fév 2009

ADLPF A propos de l'ADLPF Interview du président de l’ADLPF

Joseph Petitjean, président de l’Association des Libres Penseurs de France (ADLPF)

Succédant à Denis Pelletier à la tête de l’ADLPF. Peux-tu nous présenter cette association laïque ?

Joseph Petitjean : L’Association des Libres Penseurs de France (A.D.L.P.F.) est née en 1995 d’une scission avec la Fédération nationale de la L.P. qui avait été entrainé dans une dérive « syndico-politicienne  »

Fidèles à nos grands ancêtres : Ferdinand BUISSON, Aristide BRIAND, Pierre CURIE et à ces femmes qui déjà se battaient pour l’émancipation de leurs sœurs : Maria DERAISMES, Marie-Louise GAGNEUR, Marie BONNEVIAL, nous travaillons  » à l’avènement d’une morale rationnelle, génératrice de bonheur et de dignité humaine. »

Nous voulons que les problèmes d’actualité politique conjoncturelle se traitent dans les partis politiques, auxquels les Libres Penseurs, ont décidés librement d’appartenir et où ils peuvent s’exprimer en toute liberté.

Nous voulons une Libre Pensée qui soit le lieu où se forgent tous les moyens de lutter contre TOUS les cléricalismes, tous les intégrismes, tous les dogmatismes, d’où qu’ils viennent. Nous voulons développer l’esprit humaniste de libre examen en dehors de toute religion.

Nous voulons une Libre Pensée qui soit l’endroit où se traitent les problèmes spécifiques à la liberté de conscience, à la liberté d’expression, à la Laïcité : pierre angulaire de la République.

Association nationale populaire de recherche philosophique et d’action sociale nous construisons une société plus humaine, plus pacifique, plus fraternelle.

Sur notre blog : http://libre-penseur.over-blog.com/ vous pouvez découvrir notre action au fil des jours.

Notre journal :  » La Raison Militante  » publie tous les deux mois des grands dossiers sur des sujets d’actualité et nos positions sur les événements politiques, économiques et culturels.

Riposte Laïque : Souvent, les associations laïques comptent beaucoup de militants assez âgés, et très peu de jeunes. Comment expliques-tu cela ?

Joseph Petitjean : Les associations laïques, comme toutes les autres subissent, l’individualisme ambiant, orchestré par certains « grands » médias et bien souvent favorisé par le fait que l’on ne sait pas (ou on ne veut pas !) « vivre ensemble. » L’appréhension des responsabilités, la peur de l’autre, le refus de l’engagement collectif, provoque ce que j’appellerais une  » démobilisation générale. » L’enseignement du civisme à l’école est également en cause (voir question 7). L’éducation reste la base de la citoyenneté. Les partis politiques ont dans ce domaine une lourde responsabilité

Les Associations laïques « souffrent » moins que les autres parce que cette génération que vous qualifiez de  » militants assez âgés » a vécu des situations plus difficiles, des périodes où la vie était plus dure ; parce que les guerres, les conflits internationaux, les ont mobilisés, ils ont su transmettre à leurs enfants le sens de la nécessité du combat, l’efficacité et l’importance du militantisme.

Ce constat nous le faisons au sein de notre association où il n’est pas rare de voir militer côte-à-côte père et fils, mère et fille. Dans le cas de l’ADLPF nos militants se battent pour un monde plus humain qui passe à notre avis, par ce « vivre ensemble  » qu’est la laïcité et que nous nous efforçons de faire partager et de faire découvrir au quotidien. Il nous faut donc, tous ensemble, réexpliquer la Laïcité, en faire la base de notre action. Il est peut-être aussi de notre rôle de suppléer aux carences des partis politique en déliquescence et avec nos mots d’aujourd’hui, les mots de la jeunesse…en recherche et en attente, leur redonner l’espoir d’une vie meilleure, en les mettant face à leurs responsabilités, par leur engagement dans la Société.

Riposte Laïque : Comment expliques-tu les difficultés de réunir les différentes associations laïques, dans une période où le président de la République parle de laïcité positive ? Selon toi, quels seraient les axes rassembleurs, aujourd’hui ?

Joseph Petitjean : L’esprit de clan (les cathos diraient : « de chapelle » !) est trop ancré dans l’esprit des Français. La soif de pouvoir pour certains, est bien le deuxième facteur de ces difficultés. Depuis 13 ans, l’ADLPF s’emploie à rapprocher les protagonistes. Cette année, plusieurs associations ont participé avec nous aux conférences et rassemblements que nous organisons chaque année, pour que  » le 9 Décembre soit décrété Journée de la Laïcité « . C’était une première ! Un dialogue sincère et sans arrière-pensée, sans volonté d’hégémonie, devrait être la règle de tous les laïques. Unis nous serons plus forts pour rendre à la Laïcité toute sa valeur et pour faire cesser toute volonté gouvernementale de toucher à la loi de séparation des églises et de l’Etat. Nous poursuivrons, quant à nous, ce combat avec tous les laïques de  » bonne volonté  » attachés à la seule promotion de la laïcité.

Riposte Laïque : Notre journal signale souvent la gravité de l’offensive islamiste, et déplore l’aveuglement des associations laïques, plus prompts à critiquer le Vatican que les fous d’Allah. Partages-tu notre inquiétude, et que propose ton association ?

Joseph Petitjean : La montée de l’Islam fondamentaliste est une évidence. Il se trouve que dans le N° 50 de notre journal  » La Raison Militante » qui sort cette semaine, mon édito porte sur le sujet. Notre position est simple : je l’écris :  » La Libre Pensée considère toutes les religions comme des obstacles à l’émancipation de l’homme(…) tant que la religion islamique empiétera dans la sphère publique, elle restera un danger pour la République. Nous continuerons de la combattre comme nous combattons les autres religions. » Là encore le combat commun est nécessaire mais certains sont trop frileux ou ne savent pas distinguer islamophobie de racisme. Il est urgent, je pense de débattre entre nous et de convaincre. Il me semble nécessaire également de se mettre d’accord sur la loi de 2004 relative aux « signes distinctifs « .

Riposte Laïque : Toute une partie de la gauche, localement, ne défend plus la laïcité, et a sombré dans la laïcité positive, acceptant les revendications communautaristes des organisations islamistes (baux emphytéotiques, horaires spécifiques pour femmes dans les piscines, financement d’associations cultuelles déguisées en associations culturelles, financement de mosquées…). Comment analyses-tu cette dérive ?

Joseph Petitjean : Je ne dirais pas  » qu’une partie de la gauche a sombrée dans la laïcité positive « , mais que simplement, pour de multiples raisons, qu’elle se doit d’expliquer à ses électeurs, elle a carrément baissé la garde. Pour certains « La Laïcité » ne fait plus recette, pour d’autres, elle est acquise, mais pour tous ceux qui « dérivent « , il y a, je crois un aspect électoraliste car, disent-ils , » ce n’est pas porteur ! » Alors que pour nous, la Laïcité reste une idée neuve, un facteur de Paix et de Liberté, non seulement, en France, mais aussi en Europe et au-delà. Il faut l’expliquer et la promouvoir à tous les niveaux.

Riposte Laïque : Comment réagis-tu, face à l’amalgame de Nicolas Sarkozy renvoyant dos-à-dos islamophobie et antisémitisme ? Ne crains-tu pas, suite à l’offensive des islamistes au sein de l’Onu, et aux amalgames présidentiels, une remise en cause du droit à critiquer l’islam, amalgamé à du racisme ?

Joseph Petitjean : Considérer comme équivalents l’antisémitisme et l’islamophobie, le faire, en plus au nom de la République, est une erreur au regard du droit français. C’est même dirais-je une grave entorse au principe républicain de laïcité.

L’antisémitisme est la manifestation de la haine, envers les juifs, pris comme groupe religieux ou ethnique. L’islamophobie, est simplement une critique de la religion islamique. Que l’on ne saurait confondre avec le racisme anti-arabe. La loi française permet, aujourd’hui encore de critiquer les croyances mais, donne le droits aux croyants de pratiquer la religion de leur choix. Il faut que tous les laïques restent vigilants, pour que ces principes continuent d’être respectés et éviter de se retrouver face à une loi contre le blasphème.

Riposte Laïque : Quel est ton regard sur la situation de l’école de la République, l’école laïque, en 2009 ? Penses-tu que le problème essentiel y soit un manque de moyens ?

Joseph Petitjean : Elle est rudement secouée, en 2009, notre pauvre école laïque ! Les menées en direction d’une « privatisation totale de l’enseignement », comme le souhaite Emmanuelle Mignon, la conseillère de Sarkozy qui a rédigé son discours sur la supériorité du curé sur l’instit, n’ont jamais été aussi généralisées, cohérentes et brutales. Eddy Khaldi le montre bien dans son récent livre « Main basse sur l’Ecole Publique » (éditions Demopolis). Aucun secteur n’est épargné, de la maternelle à l’Université.

On a organisé une concurrence déloyale au grave détriment de l’école publique et on vient ensuite l’accuser des faiblesses – que l’on ne se prive pas d’exagérer, d’ailleurs – dont on l’a rendue victime ! C’est un comble. Le dernier avatar de ce processus, c’est le maintien d’une disposition contraignant les petites communes rurales à subventionner les écoles privées extra-muros, ce qui les empêchera d’équiper et de développer leurs propres écoles laïques, et a fortiori de les rouvrir quand on les a fermées !

Bien entendu, la situation ne se résume pas au seul manque de moyens pour l’école laïque. Mais, il faut d’abord dénoncer cette superbe escroquerie politique qui consiste à dire, comme le fait Darcos, que, puisque l’augmentation régulière des moyens n’a pas donné les résultats escomptés, on va faire dans le « qualitatif ». Il est bien évident qu’avec moins de personnels, moins de moyens, moins d’horaires, des classes plus chargées, la qualité de l’enseignement ne pourra qu’en pâtir !

Les antipédagogues qui dénoncent les dérives des réformes de l’enseignement où on ne se préoccuperait plus des contenus voudraient un retour à « l’âge d’or » où l’empilement des connaissances s’exonérait de la nécessité d’une réelle assimilation et compréhension par l’élève (le b-a, ba et le « par cœur » bête et méchant). C’est le retour à la lampe à huile ou à la de Dion-Bouton. Les organisations réactionnaires ultra-clériclales et favorables à « l’école commerce » (« Club de l’Horloge », « SOS Education », « Créer son école »…) se sont saisies de ces revendications pour stigmatiser les prétendues errances du système et faire valoir leur conception ultra-libérale et antidémocratique de l’enseignement, par exemple en obtenant la fermeture des IUFM.

En fait, nous ne sommes pas originaux : nous voulons une véritable formation initiale de qualité pour tous, avec des contenus réels (les briques) et une organisation pédagogique (le ciment) qui les fasse tenir ensemble et qui contribue ainsi à former au mieux à la fois le producteur, le citoyen et l’individu en dehors de tout dogme.

propos recueillis par Pierre CASSEN dans RIPOSTE LAÏQUE

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